Tunis - devant l’ambassade de France. Il est midi trente. On est mi juillet et la température s’élève à 45° à l’ombre. Une longe file d’attente décore les murs de l’immeuble. Des visages écrasés par la chaleur mais surtout épuisés par l’attente qui ne semble pas être à sa fin.
Sur mon reçu, on a marqué « rdv Lundi à 12H30 » : ce qui veut dire, normalement, rendez vous devant l’ambassade pour récupérez mon passeport et le visa. Mais en arrivant sur place, j’ai compris que 12h30 n’est pas l’heure du rendez-vous mais simplement, le commencement de l’attente.
Comme tous les braves tunisiens venus bien avant moi, je me suis alignée en cherchant un bout d’ombre dans la file d’attente. Il est 12h45, le guichet n’est pas encore ouvert. Une jeune femme, passe un mouchoir sur son front mouillé et me dit « vous pouvez vérifier, svp, s’ils ont ouvert le guichet ou pas ? » comme à notre niveau (très loin du guichet) on ne peut rien voir, j’ai accepté.
J’arrive à l’autre bout de la file, la porte est encore fermée. Des silhouettes presque évanouies, des regards étouffés, des gorges sèches, des essoufflements, des soupires et des agitations … je regagne ma place, désespérée. Je constate que je ne suis plus la dernière, puisque d’autres demandeurs de visa rattrapent le fil d’attente. Je regarde autour de moi … quelques uns commencent à murmurer des injures…
Et les conversations se lancent un peu partout entre les collègues de l’attente. Une jeune femme m’interroge « C’est ta première fois ? ». Je réponds timidement par un oui. « Moi, je pars en France tous les trois mois » riposte la jeune femme, fière. « Mais c’est toujours compliqué pour le visa » ajoute elle avec regret.
Une autre jeune fille intervient. « Moi, je viens pour compléter mon dossier … j’ai un conjoint français. Je viens du Monastir … c’est loin et c’est pénible de faire les allers retours pendant des semaines … ». Un homme derrière nous, conteste à haute voix « mais pourquoi on nous laisse attendre des heures sous le soleil ? ». « Oui, c’est inconcevable !! » clame la majorité des personnes qui nous entoure.
« Moi, je viens pour récupérer le visa de ma sœur. Elle est docteur en science et doit assister à un séminaire à Paris » explique un jeune homme. « J’ai pris le train de Gabes à 4 heures du matin. Hier, on m’a demandé de patienter jusqu’à 15h puis on m’a annoncé que le visa n’est pas encore prêt et que je dois revenir… et me voilà » Ajoute-t-il.
Mais ce n’est pas tout, car il y a ceux qui passent plus de 5 semaines à attendre le visa, refusé, souvent, après plusieurs tentatives. D’autres changent et rechangent les billets d’avion en sacrifiant des journées entières de leurs congés annuels. D’autres, encore, annulent des inscriptions aux facultés ou laissent tomber des opportunités de stages ou d’embauche…
« Mais qu’est ce qui pensent ces français ? Que nous ne pouvons pas nous passer de leur pays ? Et qu’on veut absolument y squatter ?? » S’indigne un homme après une série d’histoires en même genre de difficultés et de refus de visa …
C’est exactement la même question que je me suis posée depuis des années. Au même temps, je n’arrête pas de penser aux dizaines de réunions, meeting, tables rondes et discours donnés par les français. Depuis le 14 Janvier, ils insistent à dire que la France veut « aider » ou soutenir notre pays. Ils invitent les blogueurs, les politiciens, les journalistes et les artistes pour proposer des services, pour donner des financements et pour complimenter la Révolution du Jasmin. Ils parlent de la leçon de dignité et de volonté que nous avons donnée au monde entier …
En regardant l’enfer que nos « amis colonialistes » nous offrent devant leur ambassade, je ne peux pas m’empêcher de sentir l’humiliation et le dégout. Entre le discours flatteur et la réalité mortifiante, je suis maintenant certaine que « nos amis colonialistes » n’ont rien compris de notre leçon de dignité et de liberté … ils ne pigent rien et ne voient surtout pas ce changement qui envahit le monde entier et je suis persuadée que leur pays sera parmi les premiers à se révolter contre ce système défaillant …
Ne me dites pas que je suis naïve et qu’il y a, bien évidement, une différence entre la diplomatie et la réalité. Je suis, tout simplement, comme la majorité des tunisiens qui rêvent d’un monde meilleur où liberté, égalité et fraternité seront les valeurs partagées entre toutes les nations.
je rêve et je dois rêver d’une vie meilleure où notre peuple aura le droit de voyager et de vivre sous d’autres cieux … un pays où les ambassades de nos « amis colonialistes » seront des endroits agréables qui respectent l’être humain quelque soit sa couleur et sa nationalité … un monde où nos « amis colonialistes » feront plus attention à notre intelligence en donnant leurs discours car comme le dit bien une chère amie à moi « We are not stupid » même si on en avait l’air avant …
J'adhère complètement à ce que tu écris! la france est une civilisation sur le déclin, à votre place j'aurais manifesté avec tous ceux qui sont là pour leur apprendre à traiter les gens dignement
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