(lire article qui explique le
cadre de cette affaire)
Comme tous les tunisiens sur
facebook, j’ai vu hier, l’information de la mort de Fahmi par les balles de la
police, le jour du mardi 12 juin 2012. Cette annonce m’a choqué surtout que les
confrontations entre les manifestants et la police, à Sousse, ce jour là ne
méritaient pas l’utilisation de la force extrême.
De ce fait, il devient évident de
poser les questions suivantes : qui est le responsable de ce meurtre ?
Dans quelles circonstances fahmi a été tué ? La justice ou le procureur de
la république ont-ils entamé une enquête dans cette affaire ? Et aussi,
qui est ce jeune « barbu » Fahmi ?
En suivant sur facebook les
commentaires des internautes, j’ai réussi
à trouver ce témoignage :
Du frère de son ami jusqu’à son
ami, Ala Ghali, j’ai pu contacter, finalement, par téléphone, Adel (médecin) le grand frère de Fahmi. Âgé de 22
ans, Fehmi Ouni est un étudiant en 1ère année ingénierie
informatique à Sousse. Il est originaire de Tataouine (centre ville). Il vient
d’une famille modeste. Un père handicapé et en chômage. Une mère, femme au
foyer. Une sœur diplômée mais en chômage et deux frères (un en France et un autre médecin à Tataouine). « Notre
famille est conservatrice mais pas du tout extrémiste. » rajoute Adel pour
décrire la famille du défunt.
Le témoignage le plus important
était de son ami Ala Ghali. Il partageait avec Fehmi le plus clair de son temps
à réviser les examens du contrôle à la fac. « Il était à la mosquée
pour la prière du Asr. Il y avait au même moment une manifestation pas loin de
la mosquée. La police était devant la mosquée
et a commencé à lancer les bombes lacrymogènes. Je ne sais pas ce qui s’est passé
exactement parce que nous étions à l’intérieur de la mosquée. Après, dès qu'il est sortis de la mosquée, Fehmi a reçu deux balles au dessus de son œil
gauche. Je l’ai ramené à l’hôpital, Farhat Hachad, alors qu’il était déjà mort.
Après, la police est venu le soir vers 9h… » a expliqué Ala avant d’ajouter
« Fehmi n’a jamais participé dans les manifestations ni était parmi les
casseurs du lundi ».
Muni par un certificat médical, le frère de Fehmi, a précisé que la
famille a porté plainte contre le ministère de l’intérieur pour déterminer les
responsabilités de la police dans le meurtre de leur fils. Par contre, ce qui
reste incompréhensible est l’intervention
de la brigade de lutte contre le crime,
qui d’après Adel a pris l’affaire en main.
Au même temps, le ministère de l’intérieur
fait le tour des médias pour expliquer que ce genre de ce qu’ils appellent « dérives »
n’est pas du tout réfléchi ou exprès . En fait, le ministère prétend que les
balles lancées en air, par les forces de l’ordre, heurtent la face pour trouver comme destination fatale les corps des manifestants. Une théorie
ou plutôt explication que la police essaye de faire comprendre au peuple
tunisien depuis le 14 janvier mais qui reste à prouver …
Ainsi, Le ministère de l’intérieur
garde ses mêmes pratiques de violations de droits de l’homme et n’applique pas
les lois internationales en ce qui concerne la gestion des rassemblements et
des protestations populaires. Rappelons que depuis lundi dernier, nous comptons
une centaine de blessés graves, des milliers d’arrestations et la mort par
balles de Fehmi.
Faut il aussi rappeler que Ali
Larayed, ministre de l’intérieur, appartenant au parti Nahdi (élu pour changer
le régime et non pas le maintenir tel qu’il est) a annoncé, le 31 mai 2012, que
Les agents de
sécurité peuvent, en dernier recours, utiliser leurs armes à feu pour se
défendre, dans le cadre de l’application de la loi n°4 de l’année 1969
relative aux réunions, cérémonies, défilés, rassemblements et manifestations, qui
laisse aux agents de sécurité la possibilité d’utiliser, en dernier recours, et
après avoir épuisé toutes les autres possibilités, leurs armes à feu pour se
défendre.
Sachant que le gouvernement avoue
les lacunes de cette loi et son aspect répressif aux droits de l’homme notamment
le droit de manifester (voir article),
nous devons poser cette question :
La manifestation de Sousse (que
tout le monde a témoigné de son aspect pacifiste) méritait-elle le recours aux
armes à feu ? n’y avait-il pas un autre moyen pour disperser la foule ?
(lire aussi cet article: Tunisie : La police utilise des armes de guerre)
Un autre et dernier point à
évoquer, dans cette même affaire, est l’enquête. Le ministère de l’intérieur n’autorise
toujours pas une enquête indépendante et transparente sur les crimes qu’elle
commet depuis le 14 janvier. Pire encore, il oblige gouvernement et société
civile à accepter les résultats des enquêtes internes souvent pas crédibles et partiales
et qui garantirent l’impunité à ses agents et cadres.
Et pour finir, je voudrais parler
encore plus du martyr Fehmi. Selon son frère, Adel, « Fehmi n’avait aucune
appartenance politique. Il n’a même pas voté pour Nahdha et n’a jamais fait
partie des salafistes. La preuve : il a passé son dernier stage à Tunisair
(qui selon lui n’acceptera jamais d’embaucher un islamiste). Il a toujours
critiqué l’usage de la religion dans la politique. Et sur ces derniers
évènements, il m’a exprimé sa tristesse de ce qu’il a appelé complot contre la
Tunisie. »
Adel a finalement adressé un message à tous
les tunisiens en disant « la Tunisie perd sa jeunesse tous les jours …
aujourd’hui c’est Fehmi (un étudiant brillant), demain viendra le tour de
plusieurs autres jeunes qui normalement devront faire le futur du pays… »
Jusqu’à quand la Tunisie
restera l’Etat de non droit et de non loi ?
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