Monsieur le Ministre,
Vous n'êtes pas sans savoir que la Révolution du 14 janvier avait pour principal objectif de rompre avec l'ancien régime et ses symboles, objectif en dépit duquel nous avons accepté votre nomination à la tête d'un ministère dont la mémoire populaire ne retient que les pires images et souvenirs. Et nous nous sommes tus tout en sachant que vous y avez occupé plusieurs postes à l'ère du président déchu, dont le poste de chef de cabinet sur une période non négligeable.
Monsieur le Ministre,
Vous n'êtes certainement pas sans savoir que le peuple Tunisien, qui a sacrifié plus de deux cents martyrs, n'acceptera jamais qu'on piétine sa dignité à nouveau, peuple Tunisien qui s'est soulevé pour la liberté, la dignité et la justice.
Monsieur le Ministre,
Nous vous adressons cette lettre suite aux incidents du vendredi 6 mai s'étant produits au centre ville de la capitale et suite au communiqué de votre ministère, communiqué dont la forme et le contenu ne diffèrent en rien des communiqués du Ministère de l'Intérieur de l'ère du président déchu.
Monsieur le Ministre,
Vous avez déclaré dans votre communiqué que les actes commis par vos agents « cagoulés », actes d'une extrême violence physique et morale dont ont été victimes nombreux citoyens et journalistes, n'étaient qu'une erreur non voulue et qu'une enquête sera ouverte à cet effet.
Et nous nous demandons, cher Monsieur, si l'agression d'une femme par vos agents, à coups de pieds et de matraques, devant les objectifs des caméras, constitue une erreur non voulue ?
Et nous nous demandons, cher Monsieur, si la poursuite du journaliste Abdelfateh Bel Aid de la part de vos agents, son agression avec une barre métallique, la confiscation de ses outils de travail et les insultes auxquelles il a eu droit, constituent une erreur non voulue pouvant s'inscrire dans le cadre des erreurs que nous pouvons pardonner ?
Nous nous demandons si l'agression de 14 journalistes (oui 14 journalistes !!!) malgré la présentation de leurs cartes de presse constitue une erreur non voulue ?
Nous nous demandons si l'intrusion agressive de vos agents au sein du siège du département d'études de l'UGTT à l'avenue Carthage constitue une erreur non voulue ?
Monsieur le Ministre,
Vous n'avez cessé de dénoncer la violence et nous vous avons soutenu, sauf qu'en ce vendredi 6 mai 2011, vos agents ont été à la source de la violence, de la sauvagerie et de la barbarie... Une violence menée par des agents cagoulés appartenant à votre ministère... Et nous ignorons toujours, cher Monsieur, les raisons qui pourraient justifier qu'un agent appartenant à votre ministère - agent qui ne fait qu'appliquer les ordres et dont la mission exclusive est de maintenir l'ordre et de garantir la sécurité du citoyen – porte une cagoule empêchant de le reconnaître et empêchant le citoyen victime d'agression et de violence de connaître l'identité de son agresseur et de le poursuivre en justice ?
Monsieur le Ministre,
Nous avons vu au centre ville en ce vendredi 6 mai 2011 un nombre impressionnant de vos agents dont la mission était de disperser une manifestation pacifique à laquelle ont participé quelques centaines de citoyens alors que nous n'avons pas vu le quart de ce nombre pour garder et protéger les prisons desquelles s'évadent quotidiennement des dizaines de détenus ou pour protéger les établissements publics incendiés régulièrement par des entités contre révolutionnaires... Et nous nous demandons, cher Monsieur, si imposer le prestige de l'État passe uniquement par la répression des citoyens en les privant de leur droit à manifester pacifiquement ?
Monsieur le Ministre,
Le traitement sécuritaire et répressif des affaires politiques et intellectuelles figurent parmi les premières causes de cette Révolution et de la colère du peuple face au régime du président déchu et il nous paraît aujourd'hui que votre ministère continue à exercer ses missions de la même manière. Ce qui s'est passé en ce vendredi 6 mai 2011 n'est pas le premier incident enregistré depuis que vous êtes à la tête du ministère de l'intérieur mais un scénario qui s'est produit à plusieurs reprises et à des degrés différents chaque fois que les jeunes sont sortis dans les rues avec pour seules armes une voix retentissante et un cœur rempli d'amour pour cette patrie.
Monsieur le Ministre,
Nous vous prions d'excuser notre franchise mais nous vous demandons d'assumer vos responsabilités face au peuple et à la patrie et nous vous demandons clairement, tout comme nous l'avons demandé au président déchu : Partez !
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