mardi 28 juin 2011

Porno, partis politiques et intégristes


Après six mois d’une révolte qui nous a coûté quelques centaines de martyrs … et le départ d’un dictateur …
La semaine dernière, un ami m’a invité à un meeting, organisé par les jeunes le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) pour discuter la question de la censure et la liberté d’expression en Tunisie (post Ben Ali). Les organisateurs ont invité Taher Chikhaoui, Fadel Jaabi, Sana Ben Achour, Hamadi Kaloutcha et un responsable de l’ATI (agence tunisienne de l’Internet). 

Chacun de son côté a essayé de déplorer à sa manière la censure des sites pornographiques exigée par le tribunal de grande instance en Tunisie suite à une plainte portée par trois avocats soit disant « soucieux » de la protection de l’enfant sur Internet. 

Les discours élitistes n’ont pas manqué de dénoncer cette censure qui constitue selon les présents le premier pas en arrière après le 14 janvier vers la répression et l’agression de la liberté d’expression et le libre accès à Internet.  

Me concernant, j’ai raconté l’histoire de la chaîne nationale qui continue avec les vielles pratiques de censure arbitraire et manque de professionnalisme (lire l'article). J’allais parler d’autres exemples beaucoup plus importants que le mien mais je préférais voir les préoccupations des membres du parti.

Un jeune du parti prend la parole. Il est avocat, et a bossé pendant 8 mois à l’ATCE. D’après ses dires, il ne savait pas que cette agence est la machine à censure des médias en Tunisie … mais à la fin de son intervention, il témoigne qu’à travers l’ATCE, il a découvert que les artistes de gauche, supposés êtres, opposants et indépendants, vivent au dépend du système de Ben Ali et ont servi la propagande de  la dictature. La salle grogne et demande des noms et le jeune cède et site en premier lieu « Nouri Bouzid ». 

A ce moment, les défenseurs de la liberté d’expression ne tardent pas à intimider le jeune avocat en lui donnant des leçons sur le respect et la responsabilité. En d’autres termes, les élitistes utilisent, mais à leur faveur, les arguments de Ben Ali pour stopper le mec qui voulait témoigner … une bonne leçon de liberté d’expression à la tunisienne!  

Deux heures après, on n’arrête pas d’évoquer le même et seul point de vue : censurer les sites pornographiques est vraiment la preuve que rien n’a changé en Tunisie. « On doit dénoncer cette décision arbitraire !! » Mais comment ?? Personne n’a la réponse. 

Bien que je partage ce point de vue, j’étais gravement scandalisée et dégoûtée que personne n’a cité même pas à titre d’exemple le cas « Samir Feriani » (ancien commissaire au sein du Ministère de l’Intérieur, kidnappé et arrêté par la police et l’armée depuis quelques semaines suite à ses déclarations dangereuses sur la corruption du Ministère et l’implication de ses hauts responsables dans des crimes de tortures et bien sur les crimes du 14 Janvier ). 


Les jeunes activistes politiques ne réalisent pas que Samir Feriani est le premier prisonnier politique après Ben Ali.  Le premier condamné pour ses paroles et ses témoignages. Ils ne songent même pas à citer son nom lors d’un meeting supposé défendre la liberté d’expression. Quelle déception !! 

Comment ce parti qui se considère militant (depuis des années) pourrait défendre le pays ?? Avec une telle ignorance et indifférence comment pourrait-on compter sur lui dans la construction d’une deuxième république démocratique et libre ?? 

L’affaire Samir Feriani est devenue un sujet tabou. Les médias décident de ne plus en parler sous la pression ou par ignorance. Les partis politiques jouent la carte de l’indifférence ou de soit disant  l’objectivité : « c’est l’affaire du gouvernement ! Il est le mieux placé pour en donner son dernier mot ». Quelques activistes sur facebook et dans la blogosphère ont condamné son arrestation … le silence affreux pèse encore sur l’affaire et ses conséquences …   Pierre Puchot ouvre le dossier, dernièrement, sur Mediapart.
   
Au même temps, juste deux jours après ce fameux meeting, j’assiste à la scène de violence du cinéma l’Africart. Il est vrai que l’acte est criminel pour ne pas dire terroriste. Il est vrai qu’au nom de Dieu, des gens (on ne sait pas s’ils sont intégristes ou pas) se sont permis d’imposer leur lois de censure, d’exclusion et de répression … mais qui est le responsable ?? Qui est derrière cette mascarade ?? Pourquoi la police éparpillée sur tout l’Avenue Habib Bourguiba n’a bougé que trop tard pour « calmer les esprits » ?? 



Quelques communiqués de presse laconiques … des débats télévisées et des commentaires sur facebook …c’est tout ce qu’a pu faire la société civile, le gouvernement provisoire et les partis politiques. Entre les partis politiques aveugles ou complices, des islamistes instrumentalisés et soutenus et un gouvernement, le peuple tunisien s’agite et oscille : parfois oui, parfois non

  … et après ? Ce n’est pas fini ! … ça vient juste de commencer … 

Ce matin, les soit disant intégristes agressent Naceur Aouini et quatre autres avocats lors d’une manifestation pacifistes qui revendique une justice indépendante et qui soutienne les familles des martyres … la police intervient avec bombes lacrymogènes et assomme les agressés plutôt que les agresseurs. (lire les détails)



Une jeune fille en témoigne sur facebook et ajoute le commentaire suivant « je présume, voire je crois dure comme fer que ces actes de violence sont manipulés dans le seul but de démolir la manifestation pacifiste qui revendique la sanction des responsables des événements du metlawi récents. Je voudrai poser une question: qui profiterait de la bipolarisation d’un peuple homogène? Qui profiterait de cette division en ces temps durs ? » 
Difficile de faire une conclusion, il me reste que ces dizaines de questions ...  bien sur sans réponses …  

lundi 20 juin 2011

Cyber-solidarité avec la Corée du Nord / cyber-solidarity with North Korea


Il y a quelques jours, j'ai eu l'honneur de faire la connaissance d'une jeune femme «Eunkyoung Kwon». Elle vient du Coré du Sud et elle milite depuis des années pour la liberté du peuple nord coréen. Depuis qu'on s'est vu, Kwon me parle de son enchantement de la révolution tunisienne et égyptienne. Elle dit « vous êtes l'exemple pour nous ! Vous avez fait la révolution pacifique et intelligente que le peuple coréen rêve de faire depuis des années».

Il faut savoir qu'en Corée du Nord, les citoyens n'ont pas Internet du Tout. Leurs téléphones mobiles ne peuvent pas appeler l'étranger et les radios sont limitées à une seule chaîne de propagande.
Dans la vidéo ci-dessus, Kwon vous adresse un petit message de félicitations et un appel à une cyber-solidarité. L'action consiste à nous envoyer une courte vidéo de vous (de trois minutes et en anglais) dans laquelle vous expliquerais votre expérience de cyberactiviste avant, pendant et après le 14 janvier.
Vos vidéos serviront de documents précieux pour les activistes coréens dans leur combat contre la dictature.
Pensez à la souffrance qu'on a subie pendant des années. Pensez autant du bien que puissiez faire à ces gens.
Nous comptons sur vous !
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A few days ago, I had the honor of knowing a woman "Eunkyoung Kwon." She comes from South Korea and campaigning for years for the freedom of North Korea people. Since our meeting, Kwon tells me about his enchantment of the Tunisian and Egyptian revolution. She said "You are our example for us! You have made the peaceful and intelligent revolution that  Korean people dream to do for years ago."

You should know that North Korea, citizens do not have Internet. Their mobile phones can not call abroad and radios are limited to a single line of propaganda.
In the video above, Kwon send you a little congratulatory message and a call for a cyber-solidarity. The action is to send a short video (three minutes and in English) in which you explain your experience as a cyberactivist before, during and after January 14th.

Your videos will provide valuable material for Korean activists in their struggle against the dictatorship.

Think about the suffering we have endured for years. Do all the good that these people can do.

We count on you!



envoyez vos vidéos à l'adresse suivante: koreafreedom@yahoo.fr

samedi 18 juin 2011

Rêver, d'une liberté d'expression, est-il un crime?



Quand on m’a proposé d’animer une émission de télévision « le cinéma là et maintenant » à la chaine nationale ex TV7, on m’a dit : « ça sera une émission qui valorise le cinéaste tunisien. Une émission qui nouera une nouvelle relation entre le public et le cinéma dans une Tunisie enfin libre…». 

Chaque semaine, on invite un cinéaste pendant 26 minutes puis on offre au spectateur un long métrage tunisien. J’avoue que cette émission a permis  au public tunisien de découvrir des héros dans le cinéma tunisien (Nadia Touijer, Amel Hethili, Mehdi hmili, Mohamed Ben Smail et beaucoup d’autres). Elle a aussi diffusé des films censurés à l’époque de Ben Ali …

Je me suis dit, c’est l’occasion de servir une cause (l’art, le cinéma, la culture) à une grande échelle et pas seulement sur Internet ou dans de petites rubriques radiophoniques. Donc, je me suis forcée  d’accepter les conditions de travail, insupportables et à m’adapter à l’environnement appauvri d’humanité, de respect et du professionnalisme. 

Après un séjour entre Washington et Genève, je reviens et je  découvre que la production a toléré la censure de deux séquences du film « Khorma » de Jilani Saadi. 

Avant cette découverte, aujourd’hui, vendredi 17 juin 2011, j’avais rendez-vous, le matin, avec le producteur et deux invités. Ce dernier était assis devant moi, silencieux, alors que je viens d’avoir la nouvelle sur facebook :  le film diffusé hier était censuré et  son réalisateur n’était même pas au courant de la diffusion de son œuvre. 

En lui posant la question « pourquoi et comment cette censure ? », le producteur m’a tout simplement répondu que c’est l’affaire de l’administration ou la direction de la chaîne nationale. Que Jilani Saadi a vendu son film à la chaine nationale à l’époque de Ben Ali et qu’elle a tous les droits d’en faire ce qu’elle voit juste. 

Révoltée, je demande qu’on envoie une lettre d’excuse officielle au réalisateur pour cette censure et  ce manque de respect énorme envers l’artiste et son œuvre cinématographique. Mais le producteur a refusé. J’ai gardé le silence pendant les deux rendez-vous avec les invités. 

Quand l’heure est venue pour aller au tournage, j’ai essayé encore une fois d’aborder le sujet. Le refus était, cette fois, encore plus violent. Et en arrivant au plateau du tournage j’ai reçu cette seule réponse   « ce n’est pas notre problème ! On n’est pas obligé de présenter des excuses et ça te concerne, de toute façon, pas … ». 

A ce moment, j’ai décidé de quitter immédiatement le tournage, laissant derrière moi, les injures du producteur « je n’ai plus besoin de toi ! Tu n’es pas responsable ! Tu ne connais rien de l’éthique du métier !! Quand est-ce que t’es venue toi pour me parler de l’éthique ?!! Gamine!! » 

Bien sûr qu’on a plus besoin de moi. On a besoin, plutôt  des bêtes formatés qui approuvent et obéissent à tous les ordres. C’est vrai que je suis irresponsable, car je m’assume et je ne trahie jamais mes valeurs et ma dignité. L’éthique des vieux bornés d’un vécu malheureux de censure et de soumission ne me concerne pas. Je suis libre et je le resterais pour toute ma vie. Et je sais que, dans une société comme la nôtre, mon défaut est fatal … 

Encore une fois, je me retrouve face à ces gens sans crédules, indifférents et arrogants, qui essayent de me persuader que mon univers est utopique et que je demande trop et que je dois me taire et apprendre au lieu de donner des leçons … encore une fois, je sens ce gout amère de me sentir handicapée, devant ces stupides qui croient tout savoir et qui veulent nous faire penser que sans leur savoir on ne vaut rien …  
 Encore une fois, je suis mon intuition qui ne m’a jamais trahie … encore une fois je dis non  et je rêve  d’une Tunisie libre, JEUNE, et forte !!! 

Liens vers l’émission « Cinéma là et maintenant » :