vendredi 26 août 2011

Les vérités de Cyrine Ben Ali : à qui profite le lynchage ?


Depuis hier, le piratage du compte facebook de Cyrine Ben Ali Mabrouk, fille du président déchu, fait le buzz. Une polémique sur les messages que la dame a reçus avant et après le 14 Janvier de la part de ses amis, de ses ex-employés et des lèches-bottes aussi … 



Pirater le compte de quelqu’un semble être de nos jours une fierté. Normal, puisqu’aujourd’hui on se permet tout, au nom de la révolution. On se permet même d’agresser l’intimité des autres et d’utiliser les mêmes méthodes de Zaba pour intimider, insulter et harceler l’« ennemie ». 

A l’époque de Ben Ali, ses chiens utilisaient ces mêmes méthodes d’espionnage. Ils avaient le culot de pirater des comptes facebook et des boites mails pour voir les plans de tel activiste ou les liens d’un autre. Ainsi, on trouvait à chaque fois, tel ou tel militant lynché dans la presse nationale parce qu’il était invité à une conférence internationale ou tout simplement parce qu’il écrivait ses emails en anglais. Et on trouvait, toujours, des excuses (le bien du pays, la sécurité nationale, la lutte contre le terrorisme) pour ce genre de pratiques. 

A l’époque, nous étions scandalisés, à chaque fois que quelqu’un de nous trouve son compte piraté et utilisé par son hacker. On était scandalisé et humilié car l’attaque ne touche pas uniquement le compte numérique mais aussi la personne et ses sentiments les plus intimes. 

A l’époque, nous avons cru ferme comme fer que ces pratiques ne pourront être que l’œuvre d’un dictateur, stupide, se permettant tout même au détriment de la morale. 

Aujourd’hui, on se rend compte que nous, « révolutionnaires », faisons la même chose que Ben Ali. Au nom de la révolution, on se venge stupidement de l’ « ennemie » même au détriment de nos principes et de notre orgueil. Le piratage du compte de Cyrine Ben Ali est la meilleure preuve. Mais elle n’est pas la seule car les photos et vidéos de Leila Ben Ali, la communication téléphonique entre elle et son gendre Sakher Matri font partie aussi de cette stratégie de vengeance instrumentalisée.  

Et loin de la morale et de l’éthique, je pense que ces révélations ne servent pas la révolution. Au contraire, il est clair que ces scandales de très bas niveau servent les intérêts des clans mafieux qui se disputent le pouvoir jusqu’aujourd’hui. Malheureusement, il se trouve que maintenant quelques blogueurs et admins de pages facebook sont assoiffés de scoops au point qu’ils servent directement et indirectement les intérêts de ces clans. Et ces derniers n’hésitent pas à utiliser ces activistes pour s’attaquer ou se défendre avec notre enchantement et nos applaudissements. 

Un dernier mot : 

Cyrine Ben Ali était la propriétaire de Shems FM dont laquelle j’ai bossé 5 mois avant d’être harcelée, agressée, menacée et renvoyée par la direction. J’ai de très mauvais souvenirs dans cette radio, surtout les derniers jours (avant le 14 Janvier) où j’étais écartée de toute activité et de l’équipe de rédaction. Mais …. Mais, je ne peux que respecter Cyrine Ben Ali. Et je ne garde qu’une bonne impression de cette dame. Elle était à mes connaissances loin de l’harcèlement que j’ai subit … elle avait une bonne réputation dans la radio car elle était simple, intelligente, généreuse, aimable, respectueuse. Mon seul souci avec elle, était sa ressemblance extrême avec son père au point que je ne pouvais pas la fixer de regard (ça me dégoutait en quelque sorte). 

Si non, et si j’étais à la place de Mahdi Houas (un animateur dans la radio qui lui a envoyé un message de remerciement révélé lors du piratage), je ne trouverais aucun mal à la soutenir ou à la consoler car sa seule faute est qu’elle est la fille d’un dictateur. Je pense qu’on est quand même d’accord que personne ne choisit ses parents … 

Je pense que Cyrine Ben Ali (et toute sa famille) doit assumer le fait que son argent n’est pas le sien et que son pouvoir n’est plus légitime. Mais je suis triplement convaincue que nos médias ne doivent plus se permettre le lynchage, et nos activistes ne doivent plus se laisser au plaisir de voyeurisme.

mercredi 17 août 2011

Parti politique en Tunisie : Le fiasco de Mourad Khemiri et sa bande


Lundi 15 aout 2011. Après une journée chargée d’émotions et surtout de colère lors de la manifestation pour l’indépendance de la justice, je me suis dirigée au palais des congrès pour faire la couverture d’un meeting. 


On a mentionné sur la fiche de production « meeting politique économique et sociale du Parti Démocratique pour la justice et la prospérité ». Le nom du parti m'a semblé bizarre et un peu ridicule mais engagement professionnel oblige,  j'étais devant le palais des congrès à 20H30 comme convenu. 




La première surprise était l’accueil : devant la porte, un groupe d’hommes énervés discutant avec deux policiers et un civile dégage une ambiance tendue. J’avance, et des gros portiers musclés m’accueillent avec un questionnaire. « Que voulez vous ? » « Pour qui travaillez-vous ? » « Vos papiers svp » … je franchie la porte en espérant trouver une atmosphère moins hostile à l’intérieur. 


 La deuxième surprise était plus décevante encore, lorsque je trouve la salle vide sauf d’une dizaine de portiers et deux ou trois membres refusant de répondre à mes questions … je m’assieds dans le hall attendant le démarrage des travaux du meeting. Entre temps, je commence à lire les banderoles : « Mourad Khemiri, président du parti démocratique pour la justice et la prospérité organise le meeting … » « sous l’égide du Monsieur le président Mourad Khemiri le PMJP vous invite à son premier meeting » « Mourad Khemiri a l’honneur de vous accueillir au premier meeting … » 


A ce moment, j’ai commencé à me poser des questions : qui est ce Mourad Khemiri ? Pourquoi ce nombre exagéré de portiers ? Pourquoi sont-ils hostiles ? Et pourquoi il n’y a ni invités ni membres malgré le retard? 


Une femme pas loin de moi, allume une cigarette et commence à parler au téléphone « les gardes de corps de "sy Mourad" m’ont laissé entrer finalement … on dirait qu’Obama en personne organise ce meeting… » Dit elle avec ironie. 


Je la regarde en souriant et je m’avance vers elle pour déchiffrer cette énigme. Il s’avère alors que Mourad Khemiri était le président avant les élections du parti. « Les membres fondateurs du parti ont découvert dès les premières réunions du parti que ce Khemiri est un dictateur mafieux donc dans l’assemblé général on l’a pas élu comme président. C’était un meeting démocratique, des élections supervisées par des journalistes, des représentants d’autres partis et un huissier … » m’explique la dame, membre du parti. Avec des documents à l’appui, elle me prouve que "sy Khemiri" n’a aucun statut légal pour organiser ce meeting. Le comble « il organise l’évènement sans nous mettre au courant. Il nous interdit d’y assister par la force.. et il nous dit, en plus, qu’il nous a viré et qu’il a ramené d’autres membres à notre place .. » explique-t-elle en ajoutant que les vrais membres du parti sont dehors. 


Je me précipite vers la porte et je rejoins le groupe. Le président du parti me donne son témoignage en expliquant que « Mourad Khemiri n’a pas le droit d’organiser ce meeting parce qu’il n’est plus le président du parti. Nous avons porté plainte contre lui et nous avons ramené un huissier pour témoigner l’agression que nous avons subit ce soir. » 


Il est 21h30. Toujours pas de nouvelles de Mourad Khemiri et de ses invités. Entre temps, une confrontation musclée entre les membres du parti et les portiers me provoque. Au départ, on nous interdit (moi et l’équipe de la chaîne nationale) de filmer l’agression. Ensuite, je repère l’un des portiers avec une matraque à la main. Scandalisée, j’ai commencé à critiquer la violence qu’on utilise contre les membres du parti. Résultat : l’un des portiers me force à quitter les lieux en hurlant « Dégage !». 


Voilà l’histoire d’un mafieux qui fait un poutsch d’un parti politique fraichement lancé. Le pire est de voir  le programme de ce pseudo parti que vous pouvez découvrir dans ce reportage. 


samedi 13 août 2011

La fête de la femme : pourquoi le 13 aout ?


Aujourd’hui, c’est la fête de la femme. Le 13 aout, journée où la Tunisie se réjouit, chaque année, du code du Statut personnel, qui garantie un minimum de liberté et de dignité à la femme tunisienne.
Je me pose la question, chaque année, jusqu'à quand allons-nous fêter la femme à cette date ? Une date qui nous rappel à quel point la femme tunisienne a été utilisée par la dictature. Pour faire une façade séduisante et émancipée, les deux régimes (Bourguiba et Ben Ali) précédents ont choisi la femme comme un élément stratégique. C’était toujours une question de propagande ! 

La femme tunisienne est-elle vraiment à pied d’égalité avec l’homme ? 

Non, certainement pas. Mais avant de poser cette question. Y a-t-il, en Tunisie, d’égalité tout court entre citoyens (qu’il soit homme ou femme)? 

Nous connaissons tous la réponse … 



Quand des femmes tunisiennes (et elles sont nombreuses) se sont soulevées lors de la révolte tunisienne, elles avaient les mêmes demandes que l’homme : liberté, dignité et justice. A aucun moment, avant le 14 Janvier, la tunisienne révolutionnaire a revendiqué des droits à elle seule. Et vous savez pourquoi ?  

Parce qu’elle sait très bien qu’il s’agit aujourd’hui d’un combat pour la Liberté en général et la Liberté tout cours. La femme tunisienne n’a plus envie d’être encore une fois utilisée comme un outil de propagande. Elle ne veut plus avoir une émancipation en tant que sexe différent mais en tant que citoyenne. 

Elle ne veut plus rentrer dans ce chantage de soit musulmane arabe soit moderne. Elle peut être les deux à la fois comme l’a montré Tahar Haddad, le plus grand féministe dans le monde arabe. 

Je pense que le moment est venu pour mener le vrai combat : celui des droits de l’homme en Tunisie. Les droits fondamentaux comme le travail, la justice, la dignité et la liberté … et qui concernent hommes et femmes, conjointement. Et après, dans une autre Tunisie, la femme tunisienne choisira le jour de sa fête qui ne serait (je l’espère) pas lié au souvenir amer de cette action promotionnelle de la première « dictature républicaine » du pays qui est le code du statut personnel.