mardi 10 avril 2012

Qui sont derrière les troubles à Kasserine?


Comme je l’ai prévu dans un ancien article qui date d’Octobre 2011, la ville de Kasserine s’agite  et demande des comptes au gouvernement ou plus précisément à l’Etat qui a donné des promesses sans suite depuis plusieurs mois. 



La ville est actuellement à feu et à sang. 

lire l'article de la blogueuse Olfa Riahi 

suivre l'actualité sur ce lien de facebook: Kass Blog 

Les raisons : le gouvernement de béji Caid Sebssi a promis l’année dernière une indemnisation de 3 milles dinars à tous les habitants qui ont respiré le gaz  lacrymogène.

Finalement, nous venons de savoir d’Amel Abaidi, une blogueuse sur place que l’indemnisation n’a touchée que les proches du pouvoir qui, selon les habitants, sont des rcdistes.

Pendant que la police et l’armée répriment aujourd’hui les habitants en colère, personne ne semble penser à une négociation ou à l’ouverture d’une enquête sur cette affaire.

Est-il vrai que les bénéficiaires de cette indemnisation sont seulement les proches du pouvoir ?


Comment et en se basant sur quelle loi ou quelle enquête (ici vient la grande interrogation sur le rôle qu’a joué la commission d'investigation sur les évènements du 14 janvier) l’Etat rembourse des habitants qui ont respiré du gaz alors qu’il y a toujours des blessés graves qui attendent toujours la prise en charge ?


Qui est le responsable de cette décision fictive (sans trace écrite) en Octobre dernier ?


Comment le gouvernement s’est permis de gérer ou de soutenir cette décision (qui nous a semblé une rumeur à l'époque) en mettant à sa disposition des fonctionnaires publics ?


Pourquoi et comment l’armée a été impliquée dans cette affaire et au profit de qui ?

Je me rappel que les responsables y compris l’armée m’ont empêché defilmer ou interviewer les responsables et les citoyens à Kasserine. Et je me rappel qu’aucun média n’a évoqué l’affaire pourtant toute la ville dansait sur ses fausses rimes.

jeudi 5 avril 2012

Tunisie : « l’illusion de l’Islam » dévoile l’illusion de la liberté


« Cette affaire n’a rien à voir avec la liberté d’expression ou les libertés tout court » c’est ainsi qu'entame Maitre Foued Cheikh Zouali son témoignage concernant l’affaire des athées de Mahdia. Après une enquête et une transcription complète du dossier des accusés, le contraire est prouvé. (Enquête réalisé avec la collaboration de Olfa Riahi - voir son article sur ce lien

Procès pour Athéisme ou pour atteinte à l’ordre public ?

L’affaire a commencé, le 3 mars 2012, à la ville côtière de Mahdia, quand deux citoyens ont porté plainte, contre deux jeunes, Ghazi Al Beji et Jabeur Mejri, les accusant d’ « atteinte à l’ordre public », « transgression à la morale » et «apport de préjudice à un tiers » tel que cité dans le jugement du Tribunal de la première instance de Mahdia, jugement prononcé à la date du 28 mars 2011. Les accusés ont écopé 7 ans et six mois de prison et 1200 dinars d’amende.  







Les deux jeunes, déjà connus par leur athéisme, à Mahdia, ont publié plusieurs ouvrages qui critiquent la religion islamique. Ghazi Al Beji est connu pour son ouvrage « l’illusion de l’Islam», un roman satirique qui raconte en partie la vie de Mohamed le prophète et sa femme Aicha (avec des caricatures). Jabeur, à son tour, est connu, pour ses multiples ouvrages (les noms des bouquins) publiés sur sa page facebook et sur d’autres réseaux sociaux. 






Jabeur Méjri a fait l’objet d’une comparution immédiate. Et devant le refus des avocats de défendre les accusés, Ghazi a décidé de s’enfuir du pays. En le contactant par téléphone, Ghazi Al Beji n’a pas nié son athéisme en précisant qu’il était en contact avec Jabeur Mejri qui a lu son roman « L’illusion de l’Islam » et qu’il ne regrette rien malgré les menaces de morts, le jugement en première instance et sa galère actuelle. En effet, Ghazi a risqué sa vie en essayant de s’enfuir de la Tunisie, passant par la Libye,  l’Algérie et la Turquie. Il est maintenant en Grèce sans passeport ni argent.

L’affaire reste méconnue par l’opinion publique, bien qu’une radio locale « shams FM » en parle et quelques blogs évoquent l’affaire en provoquant plusieurs questions qui touchent à la liberté d’expression.

La Ligue des Humanistes Tunisiens, Reporters Sans Frontières et quelques militants indépendants sont les seuls qui ont pris la peine d’évoquer l’affaire.

Que peut-il être considéré comme atteinte à  l’ordre public à l’ère de la révolution ? C’est la question de Mahmoud Beji, le père de Ghazi, qui nous a accueillies chez lui. « Mon fils est chômeur diplômé, qui n’a fait du mal à personne. Est-il plus dangereux que ceux qui ont tué des innocents lors de la révolution ? Est-il plus dangereux que les Trabelsis, les Ben Ali, les snipeurs ? Si mon fils ou Jabeur avaient du travail, et gagnaient bien leurs vies, ils n'auraient jamais été impliqués dans ce genre d'histoire. Et puis, ils sont libres de penser ce qu’ils veulent… c’est quoi le problème s’ils ne sont pas croyants ? » 

Mahmoud Béji, père de Ghazi Béji 

 vidéo de son témoignage sur ce lien



D’après l’avocat Foued Cjeikh Al Zouali, que nous avons rencontré, à son bureau, à Mahdia, la plainte a été portée seulement contre Jabeur qui a fait l’objet d’une comparution immédiate. « Les investigations ont mené au nom de Ghazi Al Beji qui s’avère son complice d’athéisme. » ajoute l’avocat qui considère le crime d'insulter le prophète plus grave que le meurtre. « J’espère que la nouvelle constitution alourdira la peine de ce genre de crimes pour protéger la religion et les sentiments des musulmans tunisiens » a –t-il expliqué.

Et la liberté d’expression et de croyance ? « Tout le monde est libre mais dans le respect » insiste l’avocat qui ne voit pas le lien entre l’affaire et la liberté d’expression. Après une longue discussion, il fini par dire que la loi a tranché. « Ce qu'ont fait ces deux jeunes est interdit par la loi. » ajoute-t-il  avant de décrire l’humiliation et l'atteinte psychologique qu'il a subi après avoir vu sur Internet les caricatures de Jabeur Mejri et de Ghazi Beji.

Selon l’article publié par Olfa Riahi sur son blog, l’enquête de police a porté exclusivement sur les publications de Jabeur Mejri et Ghazi Beji. Dans les documents fournis par Maitre Sheikh Zouali, la police résume le livre "Illusion de l'Islam" dont Ghazi est l'auteur par  “Doute de l’existence de Dieu, doute de l’existence d’une religion nommée Islam, doute de l’existence du Prophète Mohamed (QSSL) avec justificatifs du doute comme y insiste l’auteur”.

Lois de répression politique par excellence : 

Étant vagues et extrêmement floues, les lois en vertu desquelles Jabeur et Ghazi ont été jugés étaient utilisées à l’époque de Ben Ali contre les opposants et uniquement les opposants. Les cas sont aussi nombreux au point que l’expression « atteinte à l’ordre public » évoque automatiquement les « prisonniers politiques ».

Il s’agit des articles 121-3 et 226 du code pénal et l’article 86 du code des télécommunications.(voir lelien)

Parmi les opposants à l’époque de Ben Ali qui ont souffert de la prison en vertu de ces lois nous citons : Hamma Hamami, condamné le 14 juillet 1999 par contumace par le tribunal correctionnel de Tunis à 9 ans et 3 mois de prison pour atteinte à l’ordre public (voir le lien)

L’avocat et activiste Mohamed Abou,  a passé, à son tour,  trois ans de prisons suite à la publication d’un article, en 2007, qui décrit les méthodes de torture du régime de Ben Ali et qui selon la loi, toujours existante, portait atteinte à l’ordre public.  Sans oublier de citer le cas du militant Ahmed Manai qui a passé la moitié de sa vie en exil forcé pour avoir publié son livre « Supplice Tunisien-le jardin secret du général Ben Ali. »  (Voir le lien)


Les journalistes Taoufik Ben Brik, Zouheir Makhlouf et Fahem Boukadous ont été aussi les victimes de ces lois à l’époque de Ben Ali.

Des menaces de mort « salafistes » 

Le père de Ghazi, Mahmoud Beji, nous a confié, que son fils recevait des menaces de mort de la part des salafistes. « Le Sheikh a même envoyé un message à ma femme en lui disant que Jabeur  n’échappera pas au châtiment des salafistes dans la prison. » a-t-il ajouté. Le père ainsi que sa famille sont complètement rejetés par tout le quartier « je vais à la mosquée d’un autre quartier éloigné et je ne fréquente plus le café » explique Mahmoud. « Au tribunal, on nous a prévenu de ne contacter aucun journaliste ni aucune association de droits de l’homme sinon la réaction de l’opinion publique sera violente» nous confie le père de Ghazi qui pense à vendre sa maison et changer quarrèrent d'adresse.

Ghazi Béji, a aussi témoigné, lors de notre entretien téléphonique, que Jabeur Mejri a été torturé au poste de police (information à vérifier).  Il a expliqué qu’avant le procès, des salafistes ont agressé Jabeur dans la rue. « J’ai peur de rentrer chez moi. Même en gagnant le procès, je suis en danger … ils peuvent me tuer et personne ne bougera pour me protéger » a ajouté Ghazi.

Pour avoir plus d’informations sur ces menaces, nous avons contacté le Sheikh Wannasse, Imam à l’une des plus importantes mosquées de Mahdia. Selon ses dires, il n’est responsable d'aucune menace adressée à Jabeur ou à Ghazi. « Mais on ne peut pas blâmer des musulmans touchés dans leurs sacrés s’ils réagissent violemment. » explique le Sheikh qui considère  le « crime » des deux accusés impardonnable.

Sheikh Wannasse 

son témoignage sur ce lien 

Aujourd’hui même, Humain Rights Watch et Reporters Sans frontières se sont déplacés au Mahdia pour enquêter sur l’affaire. Des médias étrangers ainsi que tunisiens commencent à en parler dans le but de provoquer l’opinion publique sur une affaire qui touche le fond de la liberté d’expression que le peuple tunisien s’est battu pour avoir. 

mardi 3 avril 2012

Kilimandjaro : au sommet du rêve


Sur les gros blocs de roches qui parsèment le chemin de Kilimandjaro, j’étais un minuscule point bleu perdu entre un ciel noir et une terre blanche…

 Je décris dans cette note, ce que j’ai vécu durant la dernière étape de l’ascension (de kibo à  Uhuru). On a commencé à monter vers minuit. Il faisait extrêmement froid (3° C). Il y avait peu d’oxygène à respirer et il nous restait 7 heures de marche pour arriver au Sommet de l’Afrique.

Sans forcément être philosophe, prophète ou héros d’un roman rêveur, on plonge malgré soi dans cet état de réflexion à la fois existentielle et absurde : Continuer ou arrêter? Grimper la vie ou descendre vers la mort ? Céder à l’imaginaire nocturne ou rêver de la lumière du soleil ? Quoi de plus dur à inventer: une vie au sommet ou le sommet de la vie ? Peut-t-on vraiment choisir? Peut-t-on rester indifférent ?

A Kilimandjaro, on n’a pas vraiment le choix. C’est la montagne qui décide de notre sort.

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Des cris jaillissent de nulle part.  Deux femmes, pleurent … des silhouettes blanches courent dans ma direction, me traversent, puis, disparaissent dans une sorte de trous ou de grottes. Je ne cherche pas à les attraper. Je suis fatiguée et je ne veux plus entendre les voix tordues qui s’acharnent sur moi …

Sous mes pieds,  la neige dévore mes pas et efface mes traces. Je ne conteste pas. De toute façon, je m’en fous.  Je n’ai jamais cherché à garder ou à laisser une empreinte. D’ailleurs, j’ai toujours pensé que ma mort ne doit laisser ni larmes ni sourire. La neige le sait et elle se moque de moi en dévorant mes pas … elle sait que, de toute manière, je n’ai pas le choix même si je fais semblant d’avoir des alternatives.

Tout est noir. C’est la nuit. Elle est devant moi, au dessus de moi, à mes côtés et à mon intérieur

La nuit est une couleur totalitaire. Elle ne partage pas l’espace. Elle veut tout ou rien du tout. Je la déteste ! Cette arrogante, blessante et égocentrique nuit … Elle se moque de moi en tourmentant l’air que je respire. Ce n’est pas l’altitude qui me tue, c’est la nuit …

Pour échapper à son noir taciturne, je reviens à mes hallucinations. Alors, les silhouettes blanches reviennent, sortent de leurs trous, et avancent doucement. Maintenant que je les laisse faire, elles ne sont plus pressées. Mais elles n’avancent pas vers moi. Elles se précipitent vers le sommet et moi qui me fait dévorer mes pas par la neige, je m’imagine en train de suivre leur course. Je m’imagine en plusieurs scènes. Parfois, en train d’avancer et parfois en train de tomber. J’avance ou je n’avance pas. Je ne sais plus. En réalité, c’est la neige qui avance sur moi, autour de moi, sous moi, de partout, elle avance et m’efface de mon indifférence. Elle sait très bien que je n’ai pas vraiment le choix… elle sait que je suis fatiguée et que je ne peux plus respirer… elle sait qu’il ne me reste qu’un tout petit rêve qui me tient à la vie …

Quelques pas encore en avant. Et une voix qui m’accompagne ordonne : « avance ! Ne t’arrête pas ! »  Je fais un signe d’obéissance par la tête et je chemine. Un pas, deux pas, trois pas … un moment de silence, deux moments de silence, trois moments de silence … et encore un pas …

Les cris se multiplient. Finalement, j’échappe à la dernière pensée et je tombe … je vois les visages de femmes qui n’arrêtent pas d’hurler. Je les vois détachés du noir qui m’entoure. Je ne résiste pas … sous la pression d’une profonde douleur au creux de mon épaule. Je cède à l’imaginaire. Après tout, c’est moins pénible que la neige et la nuit. Les visages s’approchent de moi …. Les silhouettes s’agitent et reviennent sur leurs pas en courant « Relève toi et avance ! … » Non ! Pourtant, La neige me dévore toute entière… je ne sens plus la douleur. Je ne sens plus le froid … je me laisse guider par les silhouettes et les voix… je me sens plus légère que jamais. 

Le temps passe et je me réveille ! Je suis toujours entourée par la neige. Les silhouettes blanches, les visages de femmes et les voix ont disparu … de ma tête. Je suis au sommet de ma vie ! Au bout de mes rêves ! Au désir d’avoir le soleil encore plus proche qu’un souhait …