mercredi 25 décembre 2013

Chaambi : l’autre visage du terrorisme



Le Mont Chaambi ! L’endroit le plus redouté de toute la Tunisie. L’endroit qui s’associe depuis des mois à la mort, au « terrorisme » passe son premier hiver sous les bombardements militaires et les patrouilles régulières des forces spéciales de lutte contre le terrorisme. Entre temps, Kasserine : la ville, les gens et l’histoire changent au dépend de la nouvelle connotation « terroriste ». Le changement passe rapide mais aussi inaperçu par la majorité des tunisiens et les autorités.



A quelques mètres de Chaambi, des petites maisons éparpillées sur les plaines qui entourent le mont. Ici, il fait froid, silencieux et glauque. Malgré la beauté de mère nature, la verdure des oliviers et la fraîcheur de l’air, quelque chose de tendue, d’incroyablement triste plane dans l’atmosphère. Devant une petite maison, une jeune femme, quelques moutons et deux chiens nous accueillent. La famille de la jeune « Noura » est dans une des chambres réunie autour d’un mince foyer de feu de bois. Ils sont neuf dans la famille : les parents, les enfants et deux oncles avec leurs femmes. Ils partagent tous deux chambres et une grande misère. Les femmes au chômage, les hommes alternent entre des travaux d’agriculture et de construction, n’arrivent visiblement pas à subsister aux nécessités de la vie. Sans eau,ni électricité et ni éducation, ils sont depuis toujours presque coupés de la Tunisie. Ici, on parle d’alcool (pour se réchauffer) comme on parle de religion. Ici, on parle aussi de politique avec un énorme « Ils » pour désigner ceux au pouvoir qui « sont tous pareils et qui n’ont rien changé depuis les beys. »


Cette famille, comme plusieurs, a toujours vécu dans la montagne. Leurs allers- retours étaient fréquents au point que les plus vieux connaissaient le moindre détail de la complexité géographique qui les entoure.  Depuis plus de 7 mois, le mont Chaambi est classé inaccessible pour ses amis. Pire encore, ces spécialistes de Chaambi n’ont été à aucun moment approché par les militaires pour des renseignements. « J’hallucine quand je vois les militaires piégés par les terroristes alors que les gens ici connaissent le terrain… nous savons tout sur la montagne. Les grottes qui datent des romains, les tunnels construits par les italiens et les français au moment de l’exploitation minière de la plombe. » affirme Ali, père de la famille. Lui, il se bat tous les jours avec les gardes de forestiers qui leur interdisent l’accès à la montagne pour récupérer du bois.





« Le terrorisme existe à chaambi, si non, pourquoi les militaires font des bombardements réguliers et pourquoi ils l’encerclent. Mais nous n’avons jamais vu de terroristes ni de loin, ni de près ». nous explique la maman. Le problème de ces villageois est qu’ils sont parfois traités de terroristes. C’est ce que nous a confirmé Ali « un des gardes forestiers me l’a dit un jour devant des soldats ! Qui d’autres à part vous ont vu les terroristes défilaient un à un à la montagne !... c’est qu’il m’a dit en oubliant que garder la montagne est son travail. Et en oubliant que les armes ont passé les frontières devant les yeux des autorités. » Quel est, donc, le crime de ces gens, si ce n’’est  le destin qui les a associé depuis des lustres à Chaambi.


Par habitude, les villageois continuent à assumer leur sort. Dans un monde où la pauvreté est devenue un crime, ces marginaux continuent à s’adapter avec la nouvelle accusation ou encore cette nouvelle identité de « potentiel terroriste ». « Ceci n’est pas un souci. Le vrai cauchemar serait une intervention militaire étrangère » avouent Ali et sa femme.


Dans la ville, de Kasserine, l’ambiance est toujours la même. Une dépression générale s’empare de la ville depuis des années. Cette attitude qui empêche les kasserinois de faire la fête, d’oublier la misère et d’espérer un futur meilleur est devenue presque héréditaire. Une impossible amnésie en dehors des bars ouverts même le matin de ce destin fatal. Rabii Gharsalli, 31 ans, journaliste citoyen, nous parle longuement de cette autre facette de terrorisme. « Que sera le destin des centaines d’enfants de poubelles et des bidonvilles? Si ça ne sera pas le terrorisme, ça sera certainement la délinquance. » Nous confit Rabii sans vouloir justifier les recrutements récents d’Annsar Al Chariaa à Chammbi.


En fait, les jeunes kasserinois recrutés depuis des mois par le terrorisme sont en majorité des lycéens. Ils sont brillants dans les études et viennent des quartiers les plus démunis de la ville ou encore de la Tunisie. Cité zouhour, cité Nour et leurs périphéries sont les fiefs du salafisme jihadiste. Après qu’ils étaient les origines d’une révolte populaire, ces quartiers sont devenus les origines de la contre révolution. Anwer Nsibi, jeune de 17 ans, disparu dans les grottes de Chaambi depuis 7 mois, venait d’envoyer un message à ses parents « je vous aime ! Pardonnez ce que je vais faire dans les prochains jours ». Son cousin, Mohammed Ali Nessibi, acutellement arrêté par la brigade anti terroriste, était le porteur de message.  Sa famille fait un embargo sur la famille de « terroriste » et du père qui aurait balancé le cousin soupçonné de collaborer avec Anwer. Dans le salon de la famille d’Anwer, la mère pleurait en essayant de se justifier « je ne savais pas qu’il partait à Chaambi. Comment ça se fait qu’il parte alors que tout allait bien ici … » disait la mère. Après un premier refus de nous voir, Hleili, père d’Anwer a accepté de témoigner « j’ai l’impression parfois que cette histoire de terrorisme à Chaambi est fabriquée de toute pièce. S’il existe vraiment des terroristes, qu’ils nous laissent aller les confronter… j’rai avec plaisir pour mon pays. J’irai avec un bâton, une pierre, peu n’importe. »




interview avec les parents d'Anwer Nsibi (lien youtube: image de Bruno Giuliani)


La famille est suivie par tout le monde. Les voisins, les cousins qui les accusent de balancer les autres jeunes du quartier et la police qui les soupçonne de cacher des informations sur le fils devenu très récemment  jihadiste. Au delà de cette crise dont la famille souffre, le manque de communication et de suivie de l’adolescent Anwer leur a couté cher. Cet adolescent avait commis l’erreur de fréquenter la mosquée de Rahma, dirigée par les salafistes les plus radicaux de Kasserine. « Les bombardements, les menaces et la prison ne seront jamais une solution. C’est des gamins ! L’Etat en est responsable ! Si jamais l’Etat promet une réintégration sociale à mon fils et ses semblables, je suis certains qu’ils reviendront. Ici la vie, le minimum de dignité et d’espoir… qu’est ce qu’ils les oblige de rester là où tout le monde est parti même les animaux… »  Explique Hleili avec beaucoup d’énervement mais aussi d’ignorance du fait que son fils et ses camarades sont considérés depuis des mois comme ennemies de la nation.


C’est justement ces ennemies, invisibles, qui condamnent la montagne et toute une ville au sort fatale du terrorisme. En oubliant, petit à petit, le visage humain de Chaambi, tout le monde et principalement le système prend l’habitude de banaliser les dommages collatéraux qui nourrissent directement ou indirectement les racines de la problématique : la pauvreté. Rabbi Gharsalli, continue à nous accompagner à travers la ville. L’une de nos balades nous a emmené à une vue panoramique sur Chaambi et les deux montagnes qui l’entourent. Rabii travaille, souvent, des reportages sur les villageois et les pauvres de Kasserine. Depuis trois ans, il a lancé une page facebook, la plus connue dans la ville dans laquelle il expose les nouveautés de la ville oubliée par le reste du monde. Cette porte parole locale des misères kasserinoises, était plusieurs fois arrêtées par les autorités. « On m’interdit de filmer et de parler de Chaambi » explique Rabii. Vis-à-vis de plusieurs journalistes étrangers, le jeune journaliste autodidacte regrette que « la majorité écrasante des médias étrangers et nationaux ne parlent que de terrorisme à Kasserine. Ils restent silencieux devant la pauvreté, la vraie source du mal… et n’essayent pas de comprendre ou  d’aller plus loin dans l’analyse… » Mais comment faire alors ? Sans trop savoir comment s’y prendre à cette nouvelle situation, Rabii, garde seulement cette certitude  « Chaambi a une autre histoire à raconter.. il a un autre visage différent du terrorisme. Mon devoir est de révéler au monde entier cette vérité. »


Rabii Gharssali 


Rabbi, ce jeune kasserinois, a vu son ami intime tué à côté de lui lors d’une manifestation le 9 janvier 2011. Pour lui, les vérités sont proportionnées. Le terrorisme est à Chaambi mais Chaambi n’est pas terroriste. « Les autorités ne disent pas toujours la vérité. Il y a trois ans, ils ont tué nos frères en les traitants de terroristes» Confus et angoissé, le jeune ne peut pas tout dire à des journalistes. La semaine dernière, il est passé sur une chaine française à visage découvert dans un reportage sur les salafistes. Ce passage lui a couté plusieurs jours de problèmes et de menaces dans la ville. Comme les villageois, son image est associée à celle des terroristes.
Rabii et plusieurs autres citoyens à Kasserine voulaient nous parler de ce qu’ils voient dans leur ville. Mais ils ne pouvaient pas. Les témoignages étaient ponctués systématiquement par des silences de peur et d’incertitude. Des silences accompagnés par des regards chargés de haine et de méfiance. Tout au long de notre séjour, nous étions suivis par des individus nommés « police civile » qui nous ont fait comprendre que le temps de l’angoisse est de retour à Kasserine et en Tunisie.


Crédit photo : Bruno Giuliani


lundi 30 septembre 2013

Rassemblement à Kairouan pour la libération du rappeur Klay BBJ

Ce matin, lundi 30 septembre 2013, un groupe de jeunes indépendants a organisé un rassemblement devant le tribunal de Kairouan pour contester contre ce « terrorisme d’Etat » qui étouffe la liberté d'expression. La principale demande du rassemblement était la libération du rappeur Klay BBJ.

Depuis des mois, les procès contre les forces révolutionnaires en Tunisie ne finissent pas. Après le procès politique contre les deux jeunes de Mahdia Jabeur Mejri et Ghazi Béji, condamnés à 7 ans et demi de prison, nous avons vu des rappeurs condamnés pour des chansons, et une activiste féministe Amina poursuivie par la justice pour avoir exprimer son avis pacifiquement. Sans oublier les jeunes des cartiers qui ont brûlé les postes de police dans leurs régions pour réussir cette révolution entre le 11 et le 15 janvier 2011 et qui croupissent dans les prisons tunisiennes avec des condamnations qui varient entre 10 et 20 ans de prison ferme.  

Les dernières arrestations de huit activistes et artistes à Tunis (4 seulement sont acquittés) et l’emprisonnement du rappeur Klay BBJ de 6 mois de prison ferme pour une chanson sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase.





Le rappeur BBJ a été condamné, jeudi 26 septembre 2013, à six mois de prison pour avoir traité les policiers de "chiens" lors d'un concert à Hammamet cet été. Il était accusé d'outrage à des fonctionnaires, atteinte aux bonnes mœurs et diffamation. L'autre jeune rappeur avec qui il se trouvait sur scène, Weld el 15, avait déjà été condamné cet été à 21 mois de prison ferme pour les mêmes accusations. Il est aujourd'hui en fuite en attendant des garanties d’un procès juste et loin des calculs politiques selon ses dires.

devant le tribunal à Kairouan 

Le comité de soutien de Klay BBJ et de Weld el 15 a annoncé, cet après midi, qu’il a demandé à travers l'avocat du rappeur une demande d’appel en cassation.

Entre temps, la mobilisation continue pour la libération du rappeur mais aussi pour tous les autres prisonniers d’opinion et de la révolution en Tunisie. Dans un climat politique très tendu, les activistes tunisiens considèrent que la justice est toujours instrumentalisée à des fins politiques. 

A suivre .... 

mardi 28 mai 2013

Amina : la nouvelle martyre de la Tunisie postrévolutionnaire



En Mars dernier, Amina Tailer, jeune tunisienne, 19 ans, a posé seins nus, sur facebook pour dénoncer le sort de la femme en général dans son pays. Depuis, elle est devenue sujet de polémique, de menaces et de soutiens en Tunisie et à l’étranger. Le 19 mai 2013, Amina a participé à une manifestation de salafistes à Kairouan (ville au centre du pays).  Elle a tagué « Femen » (l’association qu’elle représente en Tunisie) et la police l’a arrêté. Elle risque d’essuyer une sanction  de deux ans et demi de prison pour « port de bombe lacrymogène et profanation de sépulture ». Son procès est programmé sur le 30 mai à Kairouan. 

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Au début, elle m’a choqué et j’ai cru à une manipulation derrière ce qu’elle a fait. J’ai vu ses photos et j’ai lu ses mots, et j’ai senti un mélange de peur, de jalousie et de culpabilité. Et je suis restée perplexe quelques jours devant le fait accomplis : Amina s’est dénudée et elle a envoyé chier la religion, la morale, les traditions et les tabous. 

Quoi de plus courageux, de plus direct et de plus suicidaire ? 



Quand je pense et je repense à tous les problèmes de la femme dans ma société : sexisme, violence, violence sexuelle, inégalité des chances, et surtout le silence affreux qui entoure tout ça, je me rend à l’évidence que parler, sensibiliser, écrire, manifester, organiser les colloques et booster les lobbying , etc .. c’est bien, mais c’est pas suffisant. Alors pourquoi ne pas laisser Amina faire ce qu’elle voit utile pour sa cause ? Qui a le droit de dicter à tout le monde, la bonne et unique manière de militer ? 

Je ne crois plus aux discours, et je crois en moins en moins aux méthodes douces de « négocier, faire une pression et puis avancer … ». Dans ma société, la majorité pense que la démocratie ne concerne pas la femme. Que l’égalité du genre n’est pas conforme à nos traditions et à notre religion (spécificité culturelle). La majorité pense que Amina est une criminelle ou une folle juste parce qu’elle a mis à nu nos complexes, nos morale hypocrite et misogyne. Que faut-il faire devant toute cette injustice ? 

Plusieurs disent qu’Amina est folle ou elle n’a pas les outils intellectuels suffisants pour argumenter et justifier ses actes. Je rappel à ces personnes que les plus grands savants, militants, penseurs, philosophes, artistes et révolutionnaires étaient taxés de cette même folie quand ils ont essayé de casser les tabous de leurs sociétés. 

Pour les outils intellectuels et les années de militantismes qu’on doit avoir pour hurler haut et fort « NOOOOOONNN », je cite un seul exemple que nous connaissons tous : Mohammed Bouazizi. Ce jeune homme qui s’est immolé, il y a trois ans, et a fait explosé une rage contagieuse pas seulement en Tunisie mais aussi dans tout le monde arabe (loin des théories de complots et des transitions politiques confisqués par les islamistes ...). Ce jeune homme, vendeur ambulant à Sidi Bouzid, avait-il les moyens intellectuels pour expliquer sa révolte ? Avions-nous, au départ, la capacité de comprendre son suicide et la profondeur de sa rage?  Au départ, plusieurs l’ont accusé de folie. D’autres ont dit tout simplement : « son acte est destructif, ça ne ramène à rien… » Ça ne vous rappel rien tout ça ? 

Je soutiens Amina, parce que, dans son acte suicidaire, et dans son désespoir, elle fait naitre une volonté de discuter ouvertement de la cause féministe, autrement et pas comme on nous l’a imposé depuis des décennies. Avec ses sacrifices (d’avoir une vie normale, des parents fiers d’elle et un avenir comme les autres..), Amina nous donne une leçon de courage et de pertinence : aller directement au but ou encore remuer avec toute sa main (et non seulement le doigt) la merde qui repose paisiblement depuis des siècles dans nos esprits. 

Je suis maintenant convaincue qu’il faut la soutenir et la défendre et pourquoi pas faire comme elle : dénuder les complexes de la société et du pouvoir. 

Je soutien Amina même si elle est manipulée (par Femen ou autres..). Je la soutien même si elle va se réjouir (après son procès) d’une immigration parfaite en France. Je la défends même si son acte ne va mener à rien. Qui de nous n’a pas ses intentions cachées, ses rêves, son désespoir, et ses échecs ? Je la défends pour le principe :

 Garantir aux tunisiens (et surtout aux femmes)  le droit de s’exprimer librement sans tabous

Je n’adhère pas au discours du père d’Amina (ma fille est perdue et abandonnée comme toute la jeunesse tunisienne) et je n’adhère pas aussi à l’avis des gens qui la défendent en disant « elle n’est pas responsable. C’est une gamine que nous devons soigner et non pas mettre en prison.. » et je suis contre bien sur les malades qui pensent qu’elle doit être jugé sévèrement comme le dit le Ministre des Droits de l’Homme, Samir Dilou. 

Je défends Amina, la femme libre de penser et de s’exprimer sans contrainte (ni religieuse, ni morale et ni politique) 

Je défends Amina, la tunisienne qui a dit « NON » aux sources de tous ses maux (ceux aussi des travailleuses, des paysannes, des élites et des marginaux…) : la religion, les traditions et les tabous. 

Pour soutenir Amina, signez cette pétition : lien

lundi 21 janvier 2013

Affaire de Saber Meraihi: l'Etat continue à punir les jeunes de la révolution



Depuis Avril 2012, un jeune tunisien, Saber Meraihi, est en prison. Accusé de tentative de meurtre et de vandalisme, le jeune de 25 ans, risque de passer 25 ans en prison. En Plus, il n’a même pas eu la chance de se défendre face aux accusations de son adversaire, un policier, qui prétend l’avoir reconnu à travers une vidéo publiée sur facebook. Les accusations sont lourdes mais aussi dangereuses puisque sans preuves. L’affaire a pris de l’ampleur surtout que des activistes tunisiens et la famille de Sabeur commencent à en parler aux médias et sur les réseaux sociaux.  



Après un passage à la télévision de la sœur de Saber Meraihi, l’activiste Azyz Ammami a publié sur sa page facebook le dossier juridique de l’inculpé. Les révélations du dossier laissent des questions troublantes quant à l’objectivité de l’interrogatoire et de l’investigation faite par le juge de l'instruction qui a suivi l’affaire.

Les évènements de l’affaire se sont déroulés lors de la révolution. Dans une période où le peuple tunisien a assuré la sécurité des quartiers et des biens publics. Tout le monde se rappelle de cette période, où tous les hommes des quartiers ont veillé des nuits entières pour protéger le pays des milices qui ont essayé, d’après des sources officielles, de semer la terreur et d’instaurer l’anarchie en Tunisie. Ainsi, et avec la coopération de l’armée tunisienne, les comités de protection des quartiers, étaient autorisés officieusement à contrôler toutes les voitures qui circulent pendant la nuit. Vérification des papiers et contrôle des voitures ont aidé à capturer plusieurs groupes armés. Certaines vidéos sur facebook et autres reportages télévisés ont documenté cette période où le peuple était le héros de la révolution tunisienne. 

Revenant à l’affaire de Saber Meraihi. Il est, justement, accusé d’avoir agressé un policier et de voler et brûler sa voiture lors d’une opération de contrôle dirigée par un comité de protection de l’un des  quartiers d’Ibn Sina. Le policier a été agressé le 16 Janvier 2011 mais a décidé de porter plainte, plusieurs mois après, soit en avril 2011. De là commence un flou qui marque toutes les étapes de l’affaire.

Pour faire court et pour expliquer l’affaire, rapidement, aux lecteurs, nous allons relater simplement les remarques, les plus importantes, d’Ibrahim Boudirbala, l’avocat de Saber Meraihi, transcrites en arabe dans la demande (que vous trouverez en fin de l’article)  de libération et de cassation rédigée à l’intention de la cours de cassation à Tunis:

-        -  Le plaignant a porté plainte en se basant sur une vidéo, publiée sur facebook, qui montre, sans précision, des jeunes d’un comité de protection d’un quartier populaire en train d’insulter deux policiers capturés par l’armée. La vidéo n’a aucune relation avec les faits du 16 janvier. De ce fait, il est impossible d’établir un lien entre cette affaire et la vidéo présentée comme preuve qui condamne Saber Meraihi.
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     - Le juge d’instruction n’a pas inclus la défense de l’accusé dans son rapport ce qui fausse les conclusions du rapport et le jugement en lui-même.

-         - Le jugement est basé exclusivement sur les témoignages du plaignant et ses accusations.

-       -   Plusieurs passages du témoignage du plaignant sont contradictoires et manquent de pertinence (exemple : il prétend être agressé par des couteaux alors que son certificat médical lui donne seulement 10 et 20 jours de repos. Il précise qu’il était agressé par plusieurs personnes et qu’il ne se rappel pas des visages puis prétend se rappeler du visage de Saber uniquement)

Reste une précision importante à signaler : Saber Meraihi n’habite pas le même quartier où le plaignant a été agressé.

D’un autre côté, plusieurs habitants du quartier de Saber ont signé une pétition attestant la bonne conduite de Saber surtout durant la période où il était responsable du comité de la protection de son quartier. Les habitants témoignent aussi, dans ce même document, que Saber n’était pas présent  sur les lieux où se sont déroulées les agressions contre le policier plaignant dans cette affaire.

Ce que plusieurs tunisiens ignorent, malheureusement, est que des centaines de jeunes sont dans le même cas de Saber Meraihi. Après avoir participé aux évènements de la révolution, ces jeunes (que nous avons remercié vaguement pour leur courage) se trouvent en prison parce qu’ils ont brûlé un poste de police ou parce qu’ils ont lancé des pierres dans une manifestation ou parce que les policiers du quartier veulent simplement se venger. Il est facile de punir ceux qui veulent faire tomber le système. Il est facile de réinstaurer la peur et la soumission d’un peuple parce que  sans justice, et sans médias indépendants, il est impossible de réussir une révolution.







l'attestation des habitants du quartier de Saber Meraihi: