vendredi 7 janvier 2011

Confession d’une journaliste handicapée par la corruption



Depuis le 17 décembre, les évènements se poursuivent et s’évanouissent sous les commentaires suicidaires du peuple, les interprétations des journalistes, politiciens et les barreaux des brigadiers. Ce que nous vivons aujourd’hui dépasse l’actualité brulante, la crise et frôle la guerre civile. Dans tout ça, je vais juste donner le témoignage d’une jeune journaliste qui se voit corrompue malgré elle … et qui cherche à faire une confession avant que ça soit trop tard !

La journaliste : à ce stade déterminant que vit mon pays, je me sens handicapée. Eh oui, je me sens muette, myope, avec des membres immobiles et un cerveau presque défaillant.

Pourquoi ? Pour répondre à cette question, je serais encore plus hypocrite si je présenterais les raisons en disant que je travaille dans un média, « privé », à but lucratif, qui dépend des sponsors, de l’autocensure des rédacteurs en chef et des répressions réelles de l’Etat.

Ce qui précède ne représente pas les raisons, mais plutôt les circonstances dont lesquelles je pratique mon métier « noble ». Moi, la journaliste handicapée, je me contente de partager sur facebook ce que mes amis publient. Je me contente de mettre « j’aime » sur les profils audacieux et de lire les articles et les déclarations chaudes des autres. Aucun autre sujet, n’a plus d’importance que de critiquer le système, d’insulter Ammar, d’encourager Anonymous et de soutenir Sidi Bouzid par des actes facebookiens.

Et devant tout ça, je reste immobile, handicapée, inutile. La rage que je ressens ne peut prendre aucune forme, de peur de perdre mon boulot, plutôt ma seule source d’argent. Que c’est mesquin de se sentir lâche ! De se voir inutile pour son pays, son peuple … sa cause !

Et dans tout ça, comment dire à mon peuple qu’il doit mettre fin à sa brulure ? Comment dire à mes jeunes frères que la lutte ne doit brûler que la dictature qui nous étouffe ?!!! Je meurs tous les jours milles fois en voyant les jeunes tunisiens se brulant en plein public !!! Comment les aider à comprendre que la bravoure n’était jamais autodestruction ?

Moi, journaliste handicapée, j’avoue m’appartenir à l’évanouissement de la Presse
Moi, journaliste handicapée, j’avoue m’appartenir au système aveugle, défaillant et corrompu …
Moi, journaliste handicapée, j’avoue contribuer à la mascarade des médias tunisiens
Moi, journaliste handicapée, j’avoue dénoncer mon droit à la liberté d’expression
Moi, journaliste handicapée, j’avoue avoir vendu mon âme à la dictature
Moi, journaliste handicapée, j’avoue être corrompue

A vous ! Citoyens, journalistes-citoyens et bloggeurs ! À vous, la liberté d’expression, chère à payer mais délicieuse à vivre ! Moi, journaliste handicapée, je me contente de ma honte, de ma carte professionnelle et de ma bassesse…

Signature : journaliste trop lâche pour signer et assumer ses pensées

4 commentaires:

  1. l'autoflagellation n'a jamais servi à quoique ce soit.....Tu n'es coupable :il y a des milliers de personnes ,journalistes ou pas ,qui vivent ta situation...Ce n'est jamais dans les situations faciles qu'on peut faire preuve de noblesse et de droiture.....Tu n'es pas coupable : tu es et nous sommes tous victimes d'un système politico-médiatique qui nous crétinise ,qui nous débilite ,ou qui ,depuis 50 ans, cherche à le faire en tout cas...De là où tu te trouves ,fais le maximum ,avec courage mais sans témérité,pour ne pas te "prostituer " ,pour ne pas écrire ou ne pas dire le contraire de ce que tu penses....Et mets toi dans la tête ceci :tu n'es pas du tout responsable du fait que nous avons une information débile et débilitante ,tu n'es en rien responsable du fait que notre système d'information soit au service d'un système politique despotique et anachronique .....NON , TU N'ES PAS RESPONSABLE...

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  2. merci pour le commentaire... mais en voyant des bloggeurs tunisiens qui informent et critiquent avec liberté malgré la répression, je me sens coupable malgré moi ... mais ça n'empêche que ce que tu dis est vrai

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  3. Henda, je lisais ce texte et je ressentais chaque mot. Mes larmes coulent à cause de toi. Tu n'es pas lâche et tu viens de le prouver.
    Ave camarade : )

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  4. Nous sommes tous responsables de ce qui se produit en Tunisie parce que nous n'avons pas compris les conséquences de nos actes . Aujourd'hui ensemble nous essayons de reprendre , de regagner cette dignité que l'on a tendue si aisément à cette dictature . ET c'est ensemble que nous réussirons . tu n'es pas lâche, ton aveux est un acte de courage que nous faisons tous ensemble . essaie de trouver une façon de contribuer à la cause . Essaie de nous fournir des infos par rapport ce qui se passe et les divulguer à certains cyber citoyen qui le feront pour toi . J,écris ces mots du confort de mon appartement montréalais même si chaque cellule de mon corps hurle pour ma Tunisie . Je fais ce que je peux d'ou je suis j'essaie de soutenir de montrer au monde le visage de cette dictature et contribuer à ma façon avec les moyens que j'ai . Tout acte de désobéissance aussi minime qui soit est un acte de résistance , un acte citoyen .

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