jeudi 5 avril 2012

Tunisie : « l’illusion de l’Islam » dévoile l’illusion de la liberté


« Cette affaire n’a rien à voir avec la liberté d’expression ou les libertés tout court » c’est ainsi qu'entame Maitre Foued Cheikh Zouali son témoignage concernant l’affaire des athées de Mahdia. Après une enquête et une transcription complète du dossier des accusés, le contraire est prouvé. (Enquête réalisé avec la collaboration de Olfa Riahi - voir son article sur ce lien

Procès pour Athéisme ou pour atteinte à l’ordre public ?

L’affaire a commencé, le 3 mars 2012, à la ville côtière de Mahdia, quand deux citoyens ont porté plainte, contre deux jeunes, Ghazi Al Beji et Jabeur Mejri, les accusant d’ « atteinte à l’ordre public », « transgression à la morale » et «apport de préjudice à un tiers » tel que cité dans le jugement du Tribunal de la première instance de Mahdia, jugement prononcé à la date du 28 mars 2011. Les accusés ont écopé 7 ans et six mois de prison et 1200 dinars d’amende.  







Les deux jeunes, déjà connus par leur athéisme, à Mahdia, ont publié plusieurs ouvrages qui critiquent la religion islamique. Ghazi Al Beji est connu pour son ouvrage « l’illusion de l’Islam», un roman satirique qui raconte en partie la vie de Mohamed le prophète et sa femme Aicha (avec des caricatures). Jabeur, à son tour, est connu, pour ses multiples ouvrages (les noms des bouquins) publiés sur sa page facebook et sur d’autres réseaux sociaux. 






Jabeur Méjri a fait l’objet d’une comparution immédiate. Et devant le refus des avocats de défendre les accusés, Ghazi a décidé de s’enfuir du pays. En le contactant par téléphone, Ghazi Al Beji n’a pas nié son athéisme en précisant qu’il était en contact avec Jabeur Mejri qui a lu son roman « L’illusion de l’Islam » et qu’il ne regrette rien malgré les menaces de morts, le jugement en première instance et sa galère actuelle. En effet, Ghazi a risqué sa vie en essayant de s’enfuir de la Tunisie, passant par la Libye,  l’Algérie et la Turquie. Il est maintenant en Grèce sans passeport ni argent.

L’affaire reste méconnue par l’opinion publique, bien qu’une radio locale « shams FM » en parle et quelques blogs évoquent l’affaire en provoquant plusieurs questions qui touchent à la liberté d’expression.

La Ligue des Humanistes Tunisiens, Reporters Sans Frontières et quelques militants indépendants sont les seuls qui ont pris la peine d’évoquer l’affaire.

Que peut-il être considéré comme atteinte à  l’ordre public à l’ère de la révolution ? C’est la question de Mahmoud Beji, le père de Ghazi, qui nous a accueillies chez lui. « Mon fils est chômeur diplômé, qui n’a fait du mal à personne. Est-il plus dangereux que ceux qui ont tué des innocents lors de la révolution ? Est-il plus dangereux que les Trabelsis, les Ben Ali, les snipeurs ? Si mon fils ou Jabeur avaient du travail, et gagnaient bien leurs vies, ils n'auraient jamais été impliqués dans ce genre d'histoire. Et puis, ils sont libres de penser ce qu’ils veulent… c’est quoi le problème s’ils ne sont pas croyants ? » 

Mahmoud Béji, père de Ghazi Béji 

 vidéo de son témoignage sur ce lien



D’après l’avocat Foued Cjeikh Al Zouali, que nous avons rencontré, à son bureau, à Mahdia, la plainte a été portée seulement contre Jabeur qui a fait l’objet d’une comparution immédiate. « Les investigations ont mené au nom de Ghazi Al Beji qui s’avère son complice d’athéisme. » ajoute l’avocat qui considère le crime d'insulter le prophète plus grave que le meurtre. « J’espère que la nouvelle constitution alourdira la peine de ce genre de crimes pour protéger la religion et les sentiments des musulmans tunisiens » a –t-il expliqué.

Et la liberté d’expression et de croyance ? « Tout le monde est libre mais dans le respect » insiste l’avocat qui ne voit pas le lien entre l’affaire et la liberté d’expression. Après une longue discussion, il fini par dire que la loi a tranché. « Ce qu'ont fait ces deux jeunes est interdit par la loi. » ajoute-t-il  avant de décrire l’humiliation et l'atteinte psychologique qu'il a subi après avoir vu sur Internet les caricatures de Jabeur Mejri et de Ghazi Beji.

Selon l’article publié par Olfa Riahi sur son blog, l’enquête de police a porté exclusivement sur les publications de Jabeur Mejri et Ghazi Beji. Dans les documents fournis par Maitre Sheikh Zouali, la police résume le livre "Illusion de l'Islam" dont Ghazi est l'auteur par  “Doute de l’existence de Dieu, doute de l’existence d’une religion nommée Islam, doute de l’existence du Prophète Mohamed (QSSL) avec justificatifs du doute comme y insiste l’auteur”.

Lois de répression politique par excellence : 

Étant vagues et extrêmement floues, les lois en vertu desquelles Jabeur et Ghazi ont été jugés étaient utilisées à l’époque de Ben Ali contre les opposants et uniquement les opposants. Les cas sont aussi nombreux au point que l’expression « atteinte à l’ordre public » évoque automatiquement les « prisonniers politiques ».

Il s’agit des articles 121-3 et 226 du code pénal et l’article 86 du code des télécommunications.(voir lelien)

Parmi les opposants à l’époque de Ben Ali qui ont souffert de la prison en vertu de ces lois nous citons : Hamma Hamami, condamné le 14 juillet 1999 par contumace par le tribunal correctionnel de Tunis à 9 ans et 3 mois de prison pour atteinte à l’ordre public (voir le lien)

L’avocat et activiste Mohamed Abou,  a passé, à son tour,  trois ans de prisons suite à la publication d’un article, en 2007, qui décrit les méthodes de torture du régime de Ben Ali et qui selon la loi, toujours existante, portait atteinte à l’ordre public.  Sans oublier de citer le cas du militant Ahmed Manai qui a passé la moitié de sa vie en exil forcé pour avoir publié son livre « Supplice Tunisien-le jardin secret du général Ben Ali. »  (Voir le lien)


Les journalistes Taoufik Ben Brik, Zouheir Makhlouf et Fahem Boukadous ont été aussi les victimes de ces lois à l’époque de Ben Ali.

Des menaces de mort « salafistes » 

Le père de Ghazi, Mahmoud Beji, nous a confié, que son fils recevait des menaces de mort de la part des salafistes. « Le Sheikh a même envoyé un message à ma femme en lui disant que Jabeur  n’échappera pas au châtiment des salafistes dans la prison. » a-t-il ajouté. Le père ainsi que sa famille sont complètement rejetés par tout le quartier « je vais à la mosquée d’un autre quartier éloigné et je ne fréquente plus le café » explique Mahmoud. « Au tribunal, on nous a prévenu de ne contacter aucun journaliste ni aucune association de droits de l’homme sinon la réaction de l’opinion publique sera violente» nous confie le père de Ghazi qui pense à vendre sa maison et changer quarrèrent d'adresse.

Ghazi Béji, a aussi témoigné, lors de notre entretien téléphonique, que Jabeur Mejri a été torturé au poste de police (information à vérifier).  Il a expliqué qu’avant le procès, des salafistes ont agressé Jabeur dans la rue. « J’ai peur de rentrer chez moi. Même en gagnant le procès, je suis en danger … ils peuvent me tuer et personne ne bougera pour me protéger » a ajouté Ghazi.

Pour avoir plus d’informations sur ces menaces, nous avons contacté le Sheikh Wannasse, Imam à l’une des plus importantes mosquées de Mahdia. Selon ses dires, il n’est responsable d'aucune menace adressée à Jabeur ou à Ghazi. « Mais on ne peut pas blâmer des musulmans touchés dans leurs sacrés s’ils réagissent violemment. » explique le Sheikh qui considère  le « crime » des deux accusés impardonnable.

Sheikh Wannasse 

son témoignage sur ce lien 

Aujourd’hui même, Humain Rights Watch et Reporters Sans frontières se sont déplacés au Mahdia pour enquêter sur l’affaire. Des médias étrangers ainsi que tunisiens commencent à en parler dans le but de provoquer l’opinion publique sur une affaire qui touche le fond de la liberté d’expression que le peuple tunisien s’est battu pour avoir. 

11 commentaires:

  1. Elle a bon dos la liberté d'expression!

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  2. pour les islamistes la liberte' est seulement une propagande pour vaincre aux elections,toutes les libertes pour (d'expression ,de penser ,exc)leur sont HARAM...il faut trouver quelqun qui secharge de cet affaire,sinon la liberte' a tunisie sera comme c'etait aux annees de ZABA,,,,DESOLEE pour notre TUNISIE

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  3. « Mais on ne peut pas blâmer des musulmans touchés dans leurs sacrés s’ils réagissent violemment. » explique le Sheikh qui considère le « crime » des deux accusés impardonnable.

    Ce type nous explique tranquillement, que l'utilisation de la violence est légitime pour réparer une blessure narcissique liée à l'islam, et que les musulmans ne sont pas responsables de leurs actes, mais que ce sont les victimes, leurs victimes, qui le sont. La victime d'actes violents est coupable d'avoir blessé la sensibilité du musulman...pauvre petite chose. Peu importe au sheikh si, à une blessure symbolique, le musulman répond en infligeant une blessure réelle.
    L'acte violent dés lors légitimé, vient réparer le préjudice subit.Il s'agît de restaurer l'intégrité de l'islam, son honneur, son unité à laquelle il a été porté atteinte.
    On est dans une conception de la justice où ce n'est pas l'acte en lui même qui compte, un dessin , un texte vaut un coup de poing ou un meurtre, mais son intention, sa valeur religieuse.
    Le problème de l'islam, c'est que ce qu'il s'efforce de dénier, ses failles originelles, fait retour dans le réel sous la forme de la violence et de l'intolérance à l'égard de ceux qui les lui rappellent.

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  4. Alors là la boîte de Pandore a été bien ouverte sur la Tunisie, en condamnant pénalement des jeunes parce qu'ils sont athées, on va alors condamner toute personne qui aura un point de vu non conforme aux directives du gouvernement islamiste!Une nouvelle dictature islamiste s'installe tout doucement en Tunisie.

    J'ai remarqué que le nombre de téléchargements des livres incriminés est très faible...

    Bravo pour l'article!

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    1. J'ai téléchargé "l'illusion de l'Islam", pensant d'après le titre qu'il était rédigé en français. Cela serait bien s'il était traduit.

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  5. ألا تخجلين من نفسك ؟ تدعين الدفاع عن حرية التعبير و لا تفرقين بين الحق في النقد العقلاني و الإلحاد دون السب و شتم المقدسات و التعدي على الرسول و القرآن ؟ تتباكون على حرية و تدافعون على متطرفين لا دينيين و في نفس الوقت لا تتوانون على شن حرب على أي مظهر من مظاهر التطرف الديني ....عقد و جهل مركب مزيج أفرز أشباه صحفيين و أشباه مثقفين....

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  6. @سليم
    إذهب ثكلتك أمك

    ليس أحقر من المحامي و القاضي و السلفي أعلاه سوى أمثالك ممن يبررون التعذيب و سجن الناس بسبب معتقداتهم، أخلاقك و سبانك غير مستغربة فانت مستلب الإرادة و من شابه رسوله فما ظلم

    @henda
    أنت نفسك انتقدت سابقا في مونتك كل من انتقد النهضة و اتهمته بالإسلاموفوبيا، قبل الانتخابات ، و هاهي النتيجة اليوم. الذي يهدد بالقتل طليق و الذي يعبر سلميا عن رأيه سجين ثم منذ متى كان في تونس قانون يعاقب الإلحاد ؟؟؟؟

    لهذه الاسباب أنا اسلاموفوبي أمة غبية تفرض الإيمان بالعنف و السجن

    J'espère juste que tu comprends l'arabe

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  7. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  8. L'islam, est une religion naturelle qui fut acceptée tout aussi naturellement ... Ceux qui la combattent lui font de la publicité; et ceux qui l’adoptent n’ont pas failli.
    Chose certaine, le bon sens est la chose la mieux partagée par les êtres humains et c’est ce qui compte.
    Pour terminer, je souhaite que le merveilleux bon dieu "Allah" vous protège de le bêtise humaine ....

    Qu'Allah, vous guide sur le droit chemin, le chemin de ceux qui ont reçu ses bienfaits et non pas le chemin de ceux qui ont encouru sa Colère et pas celui des égarés !

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  9. Ces événements sont la preuve que la collusion entre un état et une religion (ici l'Islam), ne peut pas être compatible avec la liberté d'expression et de conscience. Surtout dans le cas de l'Islam, qui ne peut même pas appréhender le concept de la séparation entre l'appareil religieux et les institutions étatiques(et donc de la loi). L'institution islamique a beaucoup de mal avec le respect de l'opinion des autres (que ce soit l'athéisme, des théories scientifiques contraires à l'opinion d'un mufti, les personnes outrées du traitement des femmes dans les régions suivant du plus près la loi islamique), c'est un fait, ça ne changera pas sauf si de nombreux groupes politiques mais religieux ne sont pas boudés aux élections, et que l'application de l'Islam soit réformé (ce qui a pris cinq siècles pour le catholicisme, et s'est déroulé dans la douleur, je vous le rappelle)

    Soyez-en assuré, je n'ai rien contre les convictions intimes de chacun, tant que les dites convictions restent intimes et ne fasse pas partie intégrale du droit et ne soit pas imposée à une société entière.

    Ceci dit, vous pouvez emprisonner et réprimer les athées, les blasphémateurs et ceux qui dessinent des caricatures du prophète autant que vous voulez ; mais une chose est sure, ils n'en seront que renforcés dans leur conviction de la non-existence d'un dieu.

    Et il y en aura toujours, parce que contrairement à la religion, à n'importe quel religion monothéiste, polythéiste, l'athéisme se base sur la logique. Les cœurs et les esprits changent, mais la logique est immuable.

    Aucune religion monothéiste n'a prouvé l'existence de dieu; l'athéisme, même depuis la Grèce antique, possède un arsenal, si je puis m'exprimer ainsi, d'arguments, de cheminements de démonstration de l'inexistence d'une entité divine, afin de démonter ce qui a largement contribué à empoisonner le monde: la religion (ce qui est toujours différent de la foi intime et privée, je tiens à le rappeler)

    Après, libre à chacun de croire à une (ou des) entité divine, que ce soit un monstre de nouilles volant, un ornithorynque géant volant au dessus du cosmos, un éléphant à six bras, ou un dieu qui a tellement horreur de son visage et de celui de son prophète qu'il interdit à quiconque de le représenter.


    Pour terminer, bien qu'il est une évidence que la coutume est une base du droit, si la Tunisie veut se trouver un réel modèle de démocratie, elle ne peut pas et ne doit pas condamner à sept ans de prison un internaute qui n'a fait de mal à personne (vous ne voulez pas voir les caricatures), alors que lesdites personnes ayant envoyé les menaces de morts n'ont sûrement pas été inquiétés dans leur démarche (alors que je suis sûr que cela est condamné par le droit tunisien).

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    1. Monsieur le donneur de leçons,
      Un pays comme la FRANCE (théoriquement laïque) célèbre bien les fêtes religieuses chrétiennes (Lundi de Pâques, Ascension, Pentecôte...) les jours des ces fêtes sont bien fériés en FRANCE !!! Personnellement je trouve ça contradictoire avec la dite laïcité ...
      Alors j'aimerais que Monsieur l'athée, me donne une explication avant que je rejoins les fidèles laïcs et athées ?

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