jeudi 14 juin 2012

Tunisie: le Ministère de l'Intérieur tue encore


(lire article qui explique le cadre de cette affaire) 

Comme tous les tunisiens sur facebook, j’ai vu hier, l’information de la mort de Fahmi par les balles de la police, le jour du mardi 12 juin 2012. Cette annonce m’a choqué surtout que les confrontations entre les manifestants et la police, à Sousse, ce jour là ne méritaient pas l’utilisation de la force extrême. 

De ce fait, il devient évident de poser les questions suivantes : qui est le responsable de ce meurtre ? Dans quelles circonstances fahmi a été tué ? La justice ou le procureur de la république ont-ils entamé une enquête dans cette affaire ? Et aussi, qui est ce jeune « barbu » Fahmi ?
En suivant sur facebook les commentaires des internautes,  j’ai réussi à trouver ce témoignage : 




Du frère de son ami jusqu’à son ami, Ala Ghali, j’ai pu contacter, finalement, par téléphone, Adel  (médecin) le grand frère de Fahmi. Âgé de 22 ans, Fehmi Ouni est un étudiant en 1ère année ingénierie informatique à Sousse. Il est originaire de Tataouine (centre ville). Il vient d’une famille modeste. Un père handicapé et en chômage. Une mère, femme au foyer. Une sœur diplômée mais en chômage et deux frères (un en France et un  autre médecin à Tataouine). « Notre famille est conservatrice mais pas du tout extrémiste. » rajoute Adel pour décrire la famille du défunt. 

Le témoignage le plus important était de son ami Ala Ghali. Il partageait avec Fehmi le plus clair de son temps à réviser les examens du contrôle à la fac. « Il était à la mosquée pour la prière du Asr. Il y avait au même moment une manifestation pas loin de la mosquée.  La police était devant la mosquée et a commencé à lancer les bombes lacrymogènes. Je ne sais pas ce qui s’est passé exactement parce que nous étions à l’intérieur de la mosquée. Après, dès qu'il est sortis de la mosquée, Fehmi a reçu deux balles au dessus de son œil gauche. Je l’ai ramené à l’hôpital, Farhat Hachad, alors qu’il était déjà mort. Après, la police est venu le soir vers 9h… » a expliqué Ala avant d’ajouter « Fehmi n’a jamais participé dans les manifestations ni était parmi les casseurs du lundi ».

Muni par un certificat médical, le frère de Fehmi, a précisé que la famille a porté plainte contre le ministère de l’intérieur pour déterminer les responsabilités de la police dans le meurtre de leur fils. Par contre, ce qui reste incompréhensible  est l’intervention de la  brigade de lutte contre le crime, qui d’après Adel a pris l’affaire en main. 

Au même temps, le ministère de l’intérieur fait le tour des médias pour expliquer que ce genre de ce qu’ils appellent « dérives » n’est pas du tout réfléchi ou exprès . En fait, le ministère prétend que les balles lancées en air, par les forces de l’ordre, heurtent la face pour trouver comme destination fatale les corps des manifestants. Une théorie ou plutôt explication que la police essaye de faire comprendre au peuple tunisien depuis le 14 janvier mais qui reste à prouver …
Ainsi, Le ministère de l’intérieur garde ses mêmes pratiques de violations de droits de l’homme et n’applique pas les lois internationales en ce qui concerne la gestion des rassemblements et des protestations populaires. Rappelons que depuis lundi dernier, nous comptons une centaine de blessés graves, des milliers d’arrestations et la mort par balles de Fehmi.  

Faut il aussi rappeler que Ali Larayed, ministre de l’intérieur, appartenant au parti Nahdi (élu pour changer le régime et non pas le maintenir tel qu’il est) a annoncé, le 31 mai 2012, que Les agents de sécurité peuvent, en dernier recours, utiliser leurs armes à feu pour se défendre, dans le cadre de l’application de la loi n°4 de l’année 1969 relative aux réunions, cérémonies, défilés, rassemblements et manifestations, qui laisse aux agents de sécurité la possibilité d’utiliser, en dernier recours, et après avoir épuisé toutes les autres possibilités, leurs armes à feu pour se défendre. 

Sachant que le gouvernement avoue les lacunes de cette loi et son aspect répressif aux droits de l’homme notamment le droit de manifester  (voir article), nous devons poser cette question : 

La manifestation de Sousse (que tout le monde a témoigné de son aspect pacifiste) méritait-elle le recours aux armes à feu ? n’y avait-il pas un autre moyen pour disperser la foule ? 


Un autre et dernier point à évoquer, dans cette même affaire, est l’enquête. Le ministère de l’intérieur n’autorise toujours pas une enquête indépendante et transparente sur les crimes qu’elle commet depuis le 14 janvier. Pire encore, il oblige gouvernement et société civile à accepter les résultats des enquêtes internes souvent pas crédibles et partiales et qui garantirent l’impunité à ses agents et cadres.  

Et pour finir, je voudrais parler encore plus du martyr Fehmi. Selon son frère, Adel, « Fehmi n’avait aucune appartenance politique. Il n’a même pas voté pour Nahdha et n’a jamais fait partie des salafistes. La preuve : il a passé son dernier stage à Tunisair (qui selon lui n’acceptera jamais d’embaucher un islamiste). Il a toujours critiqué l’usage de la religion dans la politique. Et sur ces derniers évènements, il m’a exprimé sa tristesse de ce qu’il a appelé complot contre la Tunisie. » 

 Adel a finalement adressé un message à tous les tunisiens en disant « la Tunisie perd sa jeunesse tous les jours … aujourd’hui c’est Fehmi (un étudiant brillant), demain viendra le tour de plusieurs autres jeunes qui normalement devront faire le futur du pays… »
 Jusqu’à quand la Tunisie restera l’Etat de non droit et de non loi ?

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