lundi 14 mars 2011

Ras Jedir… si tu peux comprendre !


Entre deux terres, sur une terre poussiéreuse, sableuse, et fatigantes, des milliers sont venus à contre cœur… laissant une vie, et cherchant une autre. Et depuis, ils sont là ... avec un drap, une tente, une nourriture et plusieurs clichés … ils ont tout oublié ...  sauf l’attente…

Des tentes, des visages, des odeurs, des arbres, des voitures, des bus, des valises…
tu te sens coincé, à Ras Jedir, entre le dégout et la pitié … tu peux rester plus qu’une heure à regarder une bouche grande ouverte et tu resteras immobile alors que la nourriture est entre tes mains. Tu resteras ainsi longtemps, figé, coincé, stupéfié, terrorisé, car la famine, tu ne l’as jamais connu.

Tu te sens étrange, à Ras Jedir, car tu ne peux pas parler ta langue. A Ras Jedir, Personne ne comprend ce que veut dire « Humain ». À Ras Jedir, tout le monde parle la langue des réfugiés, celle de l’attente. Et toi, fraichement venu du Nord, tu ne pourras jamais comprendre l’attente … Eux ! Ils sont venus de loin, à pieds, nus, en courant, dans le noir … pour respirer … la vie ! Ils sont en vie ! Mais tu ne pourras jamais comprendre comment ni pourquoi … tu peux rester un an et même plus à regarder une femme te supplier pour une bouteille d’eau ou une orange … et même si tu lui donneras ce qu’elle demande, tu auras honte … au point de la détester …


Dans les lignes d’attentes qui ne finissent jamais, ils sont là, toute la journée. Ils attendent, parfois silencieux par la fatigue ou l’indifférence. Parfois, ils bougent, ils contestent ou ils s’en foutent. Et parfois, ils oublient pourquoi ils sont là… mais ils restent quand même … et à la fin, ils rentrent avec du pain, de la viande, du lait et une orange … et tu ne comprendras jamais l’attente !

Dans les yeux de ces hommes, il n’y a aucune histoire. Le sable, le froid et la peur ont tout effacé. Et pourtant ils savent qu’un jour où l’autre, ils repartiront à un autre destin, sous d’autres cieux … et tu ne comprendras jamais comment ils le savent … car tu ne comprendras jamais comment attendre …

(photos: Hamideddine Bouali) 

On ne dort pas à Ras Jedir, les valises sont toujours prêtes et les bus sont toujours là … il nous faut juste un pays pour rentrer…

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