jeudi 16 février 2012

Tunisie : nos journalistes sont-ils prêts à défendre la liberté d’expression ?


Polémique ! Encore une autre polémique autour des médias, des bonnes mœurs, de la censure et d’Allah. Hier, mercredi 15 février 2012, le journal Attounissia, a publié sur sa Une la photo de « Sami Khedira » joueur de foot d’origine tunisienne et sa femme presque nue. 

Les autorités ont réagi très vite face à cette publication qu’elle considère choquante. Le proprio du journal, le rédacteur en chef et le journaliste, auteur de l’article ont été maintenus en garde à vue, hier, dans les services de protections des bonnes mœurs à Bouchoucha. Le journal est aussi suspendu…

Donc, en fait, le procureur de la République, qu’on a cru mort (ou rumeur comme les snipeurs) est sorti de son silence hibernal et a montré son efficacité. Cela me rappelle la dernière opération qu’il a menée en toute rapidité et qui concernait la haute trahison de Arbi Nasra (propriétaire de Hannibal TV), mystérieusement et très vite relâché par les autorités tunisiennes.




Ma question est la suivante : pourquoi l’efficacité du procureur de la République n’a jamais concerné les dossiers de la révolution. Pourquoi ce haut fonctionnaire ou son ministère de la justice ne travaillent pas avec la même ardeur pour arrêter les tueurs de la jeunesse tunisienne ? Le gouvernement actuel (PROVISOIRE) considère-t-il une photo de nu plus dangereuse que la corruption, le crime et le terrorisme ?

Hier, j’étais avec quelques confrères, qui, sans se poser la moindre question, étaient contents et fiers de la décision gouvernementale. « Iyah fihom !! yestahlou ! » (bien fait pour leurs gueules) on-ilst lancé en ajoutant que la photo publiée est contre la loi.

De quelle loi, parlent-ils ? Je ne sais pas … et même si elle existe, elle doit être l’une des armes tranchantes de censure bête et arrogante imposée par le régime de Zaba ! À ma connaissance, le code de la presse est suspendu comme toute la constitution en attendant que l’Assemblée Constituante nous écrive de nouvelles lois à la hauteur d’une nouvelle démocratie qu’on espère réelle. Donc en se basant sur quelle loi, le procureur de la république a-t-il ordonné l’arrestation des journalistes d’Attounsia ? 


Mais hélas, il paraît que même les journalistes (les premiers concernés par cette affaire) ne veulent pas de la liberté d’expression. « Non, nous voulons une liberté d’expression responsable. Une liberté qui a des limites» disent-ils. Une liberté d’expression qui ne touche pas au sacré, aux croyances et à la pudeur…

Début de cette semaine, j’étais en formation en journalisme. Lors du déjeuner, j’ai discuté avec une journaliste française et une autre tunisienne (francophone) l’affaire de Nessma TV et le film Persépolis. Et la position de la journaliste (qui m’a demandé en arabe de ne pas parler de cette affaire devant une étrangère) m’a gravement déçue. « Nous sommes musulmans ! Nous ne devons pas tolérer ce genre de films dans notre pays. »
Conformisme, hypocrisie ou lâcheté ? Je n’arrête pas de me poser cette question. Et puis, d’autres questions qui me révoltent : est-ce que nos journalistes comprennent vraiment ce que c’est d’être journaliste ? Quel rôle à jouer dans la société ? Quels principes défendre ? Quelles sont les limites qu’il ne doit pas surpasser ? Y a-t-il une limite déjà ? Et si elle existe, doit-elle être exigée par l’Etat, le gouvernement, l’opinion publique ou la religion ?

Encore hier, et loin de cette polémique, Mohamed Abou, ministre PROVISOIRE de la réforme administrative, a participé à une conférence sur la neutralité de l’administration tunisienne. De tous les points qu’il devait discuter avec les hommes d’affaires présents, il a choisi de s’étaler sur une critique, vraiment, arrogante et bête, des médias en Tunisie. « Je suis avec la liberté de la presse mais pas celle qui donne une mauvaise image de la Tunisie. Nos journalistes ne parlent que de salafistes et de menace terroriste qui n’existe pas … heureusement que nos amis étrangers n’écoutent pas ces mensonges… » Je ne sais pas sur quelle planète gouverne Abou mais il paraît que c’est un abonné fidèle aux pages islamistes de Facebook.

Ce qui m’énerve le plus dans cette histoire est la volonté déterminée du gouvernement de discréditer la presse, de diviser le peuple tunisien et d’étouffer la liberté d’expression.

Le problème est que les simples d’esprit qui défendent aujourd’hui la protection des bonnes mœurs ne se rendent pas compte qu’ils seront la prochaine cible de la censure. Ils ne comprennent pas (ou ne veulent pas comprendre) que la religion ou les mœurs ne sont que l’excuse traditionnelle (utilisée aussi par Ben Ali) de toutes les dictatures du monde pour faire taire les peuples à jamais …

7 commentaires:

  1. J'ai du mal a comprendre comment un journaliste peut dire d'un autre confrère "bien fait pour sa gueule"
    J'ai aussi beaucoup de mal avec cette notion d'image de pays...surtout quand elle devient obligatoire , et du coup cela me rappelle la loi de Ben Ali ou un journaliste risquait d'aller en prison s'il ecrivait ou disait un truc qui pourrait nuire a l'image du pays
    Il aurait peut etre fallu rappeler a Abbou que du temps de ZABA parler des tortures et des sévices de la polices a l'encontre de personne comme lui était percu comme une mauvaise image pour le pays
    Il aurait fallu dire au journaliste qui parlait de nesma "Sakhta ala rassék et ala bhémték", c'est une chaine privée, et la croyance en dieu est plus forte qu'une image dans un film.
    Le journalisme souffre a cause de cette mentalité. Ce qui est bien chez des personnes comme toi c'est que tu fais ton auto diagnostic, te remets en question et essaie de t'améliorer...ce n'est pas leur cas.
    Je crois que si on continue comme je finirai par diffuser l'enregistrement de la journaliste qui nous a crié devant l'ambassadeur des etats unis et une secrétaire d'état qu'il ne fallait pas donner une mauvaise image des journalistes tunisiens. SAR...
    Emma Benji
    Http://emmabenji.canalblog.com

    RépondreSupprimer
  2. et bien, cette semaine, des journalistes m'ont dit plusieurs fois, cette semaine, parle pas comme ça de la Tunisie devant les étrangers ... et à chaque fois, je leur dit "je ne suis pas l'ambassadrice de la Tunisie à Qatar ... enfin, d'autres me disent: oui la liberté d'expression mais il faut respecter! respecter quoi? tout! le grand Dieu, le gouvernement, la police, la douane, les médecins ... le peuple ...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Si vous vous posez ce genre de question, c'est que vous êtes en train de faire un pas vers l'émancipation des préjugés culturels et ou religieux que toute société connait.
      Vous êtes comme une fleur qui serait en train d'éclore selon sa propre volonté, et non comme le jardinier l'avait prévu, ce qui risque d'engendrer son courroux, lui qui n'aime pas l'idée que l'harmonie de son jardin soit remise en question.
      Les hommes ont souvent peur des empêcheurs de tourner en rond, surtout si c'est une femme qui remplit cette fonction.

      Supprimer
  3. un couple allemand pose dans un magazine allemand ça fait la une d un journal tunisien? y a pas mieux? la Tunisie foisonne de sujets plus intéressants et plus importants non?

    RépondreSupprimer
  4. IL faut apprendre à respecter la vulnérabilité de son interlocuteur qui est le peuple tunisien.

    RépondreSupprimer
  5. la censure des sites à caractère pornographique n'est pas une attaque à la liberté d'expression.
    la réponse à votre question : nos journalistes sont-ils prêts à défendre la liberté d’expression ? c'est: ces journalistes sont assez mûrs pour qu'on leur accorde cette liberté?

    RépondreSupprimer
  6. Ça doit les gêner qu'il fasse office de soutien-gorge grandeur nature...

    RépondreSupprimer